Tel un métronome, Lacrimosa produit un album par an depuis sa création. Après "Angst" (1991) et "Einsamkeit" (1992), voici donc venir "Satura". Tous les gimmicks sont présents : le logo en forme de clown triste, la pochette en noir et blanc, le titre de l'album en un seul mot, le label maison "Hall Of Sermon". Seule innovation graphique, la présence d'un personnage féminin fort dénudé flottant au milieu d'une nef d'église, qui réapparaitra de façon plus ou moins récurrente sur les futures pochettes.
Cette stabilité du plumage se retrouve-t-elle dans le ramage, comme aurait dit Jean de La Fontaine, bien qu'en terme d'oiseaux, Lacrimosa s'apparente plus à une espèce nocturne, tel un grand-duc inquiétant, qu'à un merle siffleur ? La réponse est indubitablement oui. La musique est toujours aussi sombre, le plus souvent lugubre, jouée sur un tempo lent, voire très lent, formant des boucles répétitives. L'orchestration est dépouillée, presque squelettique. Les claviers cristallins croisent le passage de cloches sonnant le glas, de synthés désespérés et d'altos déprimants. La batterie est anémique (il faudra attendre le prochain album pour que Tilo Wolff confie enfin les baguettes à un vrai batteur) et pose avec la basse et la guitare des ambiances lourdes et pesantes.
Côté chant, pas d'évolution sensible non plus. Les textes en allemand collent parfaitement à l'atmosphère gothique (pas flamboyant du tout, celui-là !) et à la voix grave de Tilo qui s'entête à débiter son texte de façon atone et monocorde, ne laissant filtrer ses émotions qu'à de rares moments. Dommage, car dans ces instants-là il sait être poignant et captivant. Quelques chuintements de banshee musardent encore çà et là, mais fort heureusement, ils tendent à être moins présents que sur les albums précédents.
Bien que dans la lignée de ses prédécesseurs, "Satura" amorce en douceur le virage qui va conduire Lacrimosa vers des albums bien plus intéressants, et ce dès le prochain. Un album sombre et mélancolique qui réserve néanmoins au détour de riffs plombés de biens beaux passages lumineux.