Malgré un premier album, On Evil Days, ayant bénéficié très justement d’un accueil critique des plus positifs, on craignait toutefois que Liquid Graveyard ne parvienne pas à transformer l’essai. Le fait que l’association qui scella sa création en 2006 entre John Walker, ancien leader et guitariste de Cancer, entité culte du Death Metal des années 90 et le bassiste Adrian de Buitléar, ancien membre de Mourning Beloveth, loin du Doom granitique qu'il contribuait à façonner autrefois, ait depuis implosé, le second ayant déjà quitté l’entreprise, n’augurait ainsi pas forcément de bonnes choses pour l’avenir.
C’est donc presque un nouveau groupe autour du noyau dur désormais réduit à Walker et à la chanteuse Raquel, qui s’offre à nous. Ce bouleversement de personnel, funeste dans le cas du batteur Mark O'Connell, n’a pourtant eu que peu d’impact sur l’inspiration du quatuor basé à Madrid, comme The Fifth Time I Died vient en apporter la preuve.
Poursuivant les travaux entamés par le précédent port d’attache du guitariste, dont les racines font parfois plus qu’affleurer à la surface de ce Metal extrême progressif, Liquid Graveyard façonne une musique que certains ont qualifiée de schizophrénique, ambivalence que symbolise bien le chant de la jeune femme qui oscille avec talent entre deux registres, angélique ou franchement vénéneux.
A l'instar de son aîné avec lequel il partage cette même prise de son un peu trop étouffée qui a tendance à brider sa puissance, The Fifth Time I Died pourra de prime abord décevoir, une écoute rapide ou distraite renvoyant une image déformée par cette alternance vocale que des pisse-copies limités se contenteront d'arrimer à un métal aujourd'hui fané. Prenez par exemple un titre tel que "Violent Skies". Il serait tentant de ne voir en lui qu'une simple resucée du Gothic Doom façon "Belle et la bête", raccourci facile que ne manqueront donc pas de faire certains. Mais Liquid Graveyard se fraye en réalité un chemin bien plus tortueux car il le parsème de plans, d'idées, de détails qui, pris individuellement sont peu originaux, mais qui une fois additionnés transcendent un matériau de base à priori éprouvé.
En fait, ces compositions, d'une simplicité trompeuse, n'offriront leur réelle intimité qu'aux plus persévérants sinon aux plus ouverts d'entre nous. De "The Fifth Time I Died" au superbe "Attractor", chacune d'entre-elle égrène une trame aventureuse dont la beauté écartelée entre noirceur et flamboyance poétique, se (dé)multiplie à force d'être visitée.
Moins surprenant que On Evil Days dans sa manière d'imbriquer les différents gênes formant sa passionnante identité, ce deuxième opus propose néanmoins encore une fois une musique plus innovante qu'il n'y parait dans son agrégat bipolaire de Death Metal alambiqué, de progressif et de Gothic Metal. Liquid Graveyard est un groupe attachant qui mérite qu'on lui laisse le temps d'être apprivoisé. A l'époque du règne du prémâché, du aussitôt consommé aussitôt oublié, il est agréable de voir que des artistes refusent encore le diktat de la majorité. Cette démarche louable lui réussira-t-elle longtemps ?