Ash Ra Tempel, Ashra, Manuel Göttsching : trois noms pour un seul et même artiste ? Pas sûr. L’homme étant particulièrement éclectique – quel rapport en effet entre le rock cosmique planant de Join Inn, la musique psychédélique de Starring Rosi et le stratosphérique Inventions For Electric Guitar par exemple ? -, son art revêt de nombreuses formes d’expression différentes. Bien qu’épaulé par les mêmes musiciens (dont le batteur Harald Grosskopft), Manuel Göttsching avec Ashra explore une voie très éloignée de celles de ses débuts. Le projet a évolué avec l’œil rivé sur la progression des technologies et de l’art musical. Correlations en témoigne.
A des années-lumière donc du style en vigueur sur les premières offrandes du maître, cet album braconne sur les terres de la musique disco et annonce ce faisant la mouvance dancefloor. Sons synthétiques, beats hypnotiques, mais toujours cette guitare atmosphérique qui signe l’identité de son propriétaire. Ce monument du genre ouvre ses portes sur le long et accrocheur "Ice Train", terrain de jeu idéal pour la six-cordes virtuose exploratrice de sonorités inédites du Dieu germanique. Une fois agrippée aux esgourdes, la mélodie de ce titre ne vous lâchera plus. Puis survient le diamant "Club Cannibal" et ses nappes de synthétiseurs envoûtantes, obsédantes, presque techno avant l’heure (on comprend mieux pourquoi, à l’instar de son ami Klaus Schulze, il est aujourd’hui vénéré par cette scène-là) sans doute l’une des plus belles plages jamais composées par Göttsching.
Après "Oasis", sorte de rêverie poétique dessinée par le jeu aérien et délicat, presque insaisissable de ce dernier, "Bamboo Sands" entraîne de nouveau Correlations vers des sommets. D’abord introduite par des notes de piano et de guitares, cette pièce d’orfèvrerie, n’est pas sans rappeler par la suite (et par moment seulement !) le Cerrone ( ?) de la grande époque, celui de Supernature, les lignes planantes du maître en plus. Si le très beau "Morgana De Capo" déverse des ondes dramatiques intenses, "Pas De Trois" se veut plus léger mais a quand même un peu vieilli et ce, en dépit de la guitare lumineuse de Manuel et des percussions enlevées de Grosskopf. En revanche, "Phantasus" qui ferme la marche, s’élève très haut dans le ciel. Grisant.
Bien que noyé sous des couches de synthés que le temps a toutefois recouvert d’une fine couche de poussière, Correlations reste, à l’image de ses prédécesseurs, un laboratoire pour la Gibson et les claviers de Göttsching... Un Göttsching qui sait conserver néanmoins un esprit rock et accessible, malgré sa soif d’expérimentation jamais remise en question.