Grégoire Fray est de la trempe de ces artistes qui travaillent tout autant sur les compositions qu’à la façon de les diffuser. Véritable tête pensante de Thot, ce Belge originaire de Bruxelles s’applique ainsi, depuis 2005 et son premier jet "The Huffed Hue", à passer par des canaux différents de distributions, sans label et via un réseau fidèle d’internautes, comme certains tentent de le faire ces dernières années. Un média au succès notable qui lui permet de promouvoir sa deuxième offrande "Obscured By The Wind".
Bouture électrique entre un Nine Inch Nails et Samael, estampillée par leur soin "Vegetal Noise Music", Thot cultive un goût assuré pour la machinerie industriels, forêt de séquoias au rythme enlevé laissant pourtant pousser ci et là quelques ambiances plus fragiles et occultes. Musique nerveuse déboulant comme un cheval au galop, elle bénéficie également d’une production d’une rare limpidité et qui permet au quintet d’orchestrer chaque instrument sur un même plan. Ainsi lors des épisodes les plus martiaux, les pianos ou le chant de Grégoire s’érigent aussi haut que les guitares filandreuses et cette batterie sur-vitaminée, laissant une impression d’essaim en pleine effervescence.
Cette virilité métronomique obstrue d’ailleurs quelque peu le passage qui permettrait aux mélodies de se répandre avec plus d’harmonie. Comme un voile délicat et fantomatique, un rai de lumière tamisé vient parfois se poser sur ces rythmiques anguleuses. Le paysage se transforme alors en une sorte de féerie nébuleuse (l’interlude "Dancing In The Corn" ou le passage aux airs de Sleepytime Gorilla Museum de "Spellbound Fields" sur lequel un chant féminin partage la délicatesse d’un piano) ou plus ténébreuse ("Obscured By The Wind") mais d’une beauté à chaque fois singulière.
Thot accouche là d’un album ambigu tout comme son titre, entre ombre et lumière, qui n’accuse non plus aucun formatage calculé. Rien que pour ces raisons, il mérite une attention particulière. Le batteur de Cult Of Luna ne s’y est d’ailleurs pas trompé, qualifiant ce second opus d’ assez impressionnant, très bien produit et intense. Sans être aussi dithyrambique, c'est un bel éloge qui ira effectivement dans la direction de nos propos.