Est-ce dû à sa situation géographique à la fois médiane et isolée au sein de l’Europe mais la Suisse a souvent été pourvoyeur en groupes résolumement à part. Ce fut le cas avec Celtic Frost ou Coroner pour n’en citer que deux. Cette singularité se vérifie encore actuellement avec Monkey3.
Les consommateurs rapides, ceux qui ne prêtent aux écoutes guère plus qu’une oreille distraite, argueront que cette formation paresseuse - sur un plan strictement quantitatif s’entend (trois explorations en dix ans de carrière) – n’innove en rien, se contentant de mouliner un Stoner Rock instrumental lequel, s’il a pu surprendre à l’époque du galop d’essai éponyme en 2001, n’étonne en revanche plus personne aujourd’hui... Raccourci facile s’il en est car Monkey3 ne noue en réalité que bien peu de liens avec cette mouvance portée sur la fumette et le Black Sabbath séminal. Si le groupe ne saurait cacher sa révérence pour les années 70, c’est davantage vers la scène progressive et surtout Space Rock, qu’il s’abreuve. Le recours permanent à des nappes de claviers qui ne se contentent pas seulement de souligner le travail abattu par les autres instruments mais sont un des principaux arc-boutants soutenant l’édifice, témoigne de cet ancrage évident.
Si les jamais contents regretteront que les Suisses n'aient pas étiré un peu plus sa durée (42 minutes, c'est un peu court, surtout après quasiment cinq ans d'absence, seulement interrompus par un EP basé sur des reprises), Beyond The Black Sky, s'il ne surprend pas, poursuit le travail entamé par ses deux prédécesseurs. Bien que l'on imagine sans peine quelle rampe de lancement vers les improvisations les plus folles, elles peuvent devenir sur scène, on devine néanmoins que ces compositions sont le fruit d'une longue élaboration. Malgré leur accents de jam cosmique, elles trahissent le souci permanent chez leurs auteurs de pondre toujours de vrais titres, dont les différentes parties s'emboitent avec fluidité. Le gigantesque "Black Maiden", montée en puissance tavelée de zébrures mélancoliques, illustre bien cette science de la construction minutieuse à laquelle Monkey3 est parvenu.
Aussi à l'aise dans l'accroche lourde et nerveuse (le court "K.I" et "Camhell") que dans les cavalcades plus atmosphériques (mention pour "Motorcycle Broer" auquel il imprime une espèce de groove hypnotique qui emporte tout avec lui et la lente exploration finale, "Through The Desert" que déchirent de sombres coups de boutoir), le groupe signe un album à la fois homogène et varié, solide et imparable. Il confirme que le parti pris instrumental peut être passionnant lorsqu'il est exploité par des musiciens talentueux, comme c'est le cas ici. Chacun y a sa place bien définie au service d'un ensemble qui ne se prend jamais les pieds dans son propre piège, celui, tentant, de la démonstration nébuleuse.
Ni Rock stoner ni progressif, mais un peu les deux à la fois, Monkey3 ne deçoit pas et fait de Beyond The Black Sky une de sorties majeures de ces derniers mois. Indispensable.