La sortie dans les bacs de "One Day Remains" coïncide presque avec l’annonce de la séparation entamée entre Scott Stapp et ses camarades de Creed. A peine deux mois après l’officialisation du divorce, Tremonti, la besace pleine de nouveaux pains électriques pétris l’année d’avant, s’enflamme devant les performances d’un chevelu officiant chez The Mayfield Four qui ne se fera pas prier pour accepter l’invitation des trois d’Orlando.
Pourtant, le timbre de Stapp, grave et rocailleux, était clairement l’une des marques de fabrique du combo au succès planétaire et le remplacer n’était pas une affaire sans risque. Mais au vu de la classe et la maestria que développent Myles Kennedy, les craintes s’envoleront aussi vite que les ventes de leur premier opus (quoique au finale huit fois moindre par rapport au dernier album de Creed avant leur spilt). D’autant plus que musicalement parlant, Alter Bridge se présente comme une mouture quasi-identique de Creed. Le phœnix renaît donc de ses cendres, avec son lot de brûlots aux riffs épais comme la peau d’un grizzli et de creusets de sensibilités toujours aussi émouvants.
D’autant que "Find The Real" met tout le monde d’accord sur l’état de santé de la bande à Tremonti. Sa 6-cordes remise en bandoulière, il assène les premières secondes d’un plan lourd et grungy qui place d’entrée le décor dans un paysage sombre en décalage avec le côté plus optimiste des propos. D’un bout à l’autre de ces cinquante-cinq minutes, le guitariste virtuose se bardera de sa cuirasse de leader afin de jeter des parpaings qu’il jointe notamment avec l’aide musclée de Phillips derrière les fûts, et dont "Metalingus" sera le point culminant de cet imposant massif aux formes remuantes.
Remuantes car le Pont de Floride excelle également de l’autre côté de la rive, celle des ballades vigoureuses mais qui serrent le cœur sans toutefois se complaire dans la sensiblerie ("Open Your Eyes", "Down To The Last" et "Shed My Skin"). "Broken Wings" mieux que tout autre domine la catégorie par l’intensité de son refrain et les montées d’émotivités ostentatoires qui donnent la chair de poule. Plus sobre et pondéré, "In Loving Memory", composé par Mark Tremonti suite au décès de sa mère, constitue pour sa part une belle et paisible clairière au milieu de ce tumulte.
C’est toujours impressionnant à quel point certains artistes arrivent à se sublimer dans les moments les plus douloureux ou du moins les plus épineux à gérer. Alter Bridge réussit le pari de sa (petite) reconversion, d’autant que la transition fut courte et la mutation modérée.