Les claques les plus fortes sont toujours celles que l’on attend le moins. Ayant un peu zappé les débuts du groupe et son premier jet No Hay Banda et ce, en dépit de la présence de Ice Dale (Enslaved et beaucoup d’autres) et TC King (Gorgoroth et beaucoup d’autres lui aussi) aux manettes, nous n'avions alors donc pas sauté au plafond à l’annonce d’une nouvelle cuvée. Grosse erreur. Le Fol est un très grand disque. 12 titres. 12 bombes. Rien à jeter, absolument rien !
Loin, très loin, à des années-lumière même, du black métal dont certains de ses membres (présents ou passés) sont des mercenaires particulièrement réclamés, Audrey Horne délivre du pur hard-rock, accrocheur, énergique et efficace, avec dans la ligne de mire la scène grunge des nineties (Alice In Chains, Soundgarden), en mieux, tant les Norvégiens éclaboussent de leur classe chaque instant, chaque seconde de cet album.
Pourtant, jamais ils n’auront le succès de leurs aînés. Le Fol sortirait sous l’étiquette Nickleback, par exemple, qu’il cartonnerait ! Mais qui connaît Audrey Horne ? Les 'blackeux' uniquement… qui ne manqueront bien sûr pas de vomir sur cet opus, comme il se doit. Le Fol a donc peu de chance de trouver son public. Dommage car il a le potentiel de ratisser très très large, avec ses chansons imparables, toutes dotées d’un refrain mémorisable dès la première écoute, d’une mélodie qui ne vous lâchent plus par la suite. Les quatre premiers titres sont absolument énormes : "Last Chance For A Serenade", que drape, comme sur bien d’autres, quelques nappes de mellotron à la King Crimson, "Jaws", le désespéré "Last Call" ou le (quasi) progressif "Treshold".
Comme souvent avec les Norvégiens, la musique suinte une vraie mélancolie ("In The End"), discrète certes, mais bien palpable pour autant. Plus anecdotique, la ballade "Monster" reste agréable ; elle démontre toutefois que cet exercice obligé ne sied guère au groupe, comme le registre plus léger pratiqué par "Hell Hath No Fury". En revanche, guidé par le timbre séduisant de Toschie et par les lignes de guitare de Ice Dale, Audrey Horne n’a aucune leçon à recevoir en matière de puissance de feu ou de progression déchirante, comme en témoigne l’énorme "Bright Lights" et ses vocaux presque black (mon dieu, quel titre !).
Quel talent ! Surtout celui de Ice Dale, responsable de la quasi totalité des morceaux. Comment l’obscure guitariste d’un modeste groupe de Black métal (Malignant Eternal) a-t-il réussi, depuis son intronisation comme second de l’ogre Ivar Bjornsson dans Enslaved, a devenir, de ce dernier à Audrey Horne, de I à Bourbon Flame, un des musiciens les plus brillants de sa génération ? L’air du Grand Nord sans doute… Lorsque l’écoute se conclut avec le long , lancinant et superbe "So Long Euphoria", le sentiment d’un bonheur salvateur ne peut que vous étreindre… ainsi que l’envie irrépressible de se repasser en boucle ce Le Fol en tout point bien supérieur à son prédécesseur.