Adventures In Modern Recording. Ce titre d'album vous dit quelque chose ? Il s'agit en fait de la deuxième production des Buggles, accouchée dans la douleur par le duo Trevor Horn / Geoff Downes en 1982, après que ces deux-là eurent participés au fameux album Drama, lequel contenait déjà avec Into The Lens, une adaptation de I Am A Camera, présent sur ce deuxième opus estampillé Buggles, groupe mondialement connu, faut-il le rappeler, grâce au "tubesque" Video Killed The Radio Star. Lors de la réalisation de ces "aventures", le duo a également composé quelques titres inédits, ressortis sur la version 2.0 de l'album parue en 2010. Parmi ceux-ci, un We Can Fly From Here en deux parties, réutilisé 30 années plus tard pour servir de trame au premier album de Yes depuis 10 ans, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il était attendu avec impatience !
Bien loin des orchestrations symphoniques de Magnification, Yes nous revient dans une formule classique dans sa composition instrumentale, mais franchement inédite dans sa constitution. Après l'éviction de Jon Anderson pour les tournées de ces dernières années, tout le monde imaginait le line-up plutôt stabilisé, avec un Benoit David largement à l'aise dans le costume de frontman, et le fiston Wakeman pour tenir les claviers. Las, alors que l'enregistrement de l'album avait déjà débuté, ce dernier se faisait virer manu-militari au profit des ex-Buggles, pour un retour à la "bande à Drama", come-back inédit suscitant bien des interrogations, et apportant un nouveau chapitre à l'histoire plus qu'agitée du groupe phare du rock progressif.
Après ce long préambule, place maintenant à la découverte de ce nouvel album, vingtième du nom en ce qui concerne les productions studio du groupe. Premier indice positif, une magnifique nouvelle œuvre de Roger Dean illustre ce Fly From Here, dans des tons verts rappelant Close To The Edge.
Côté musique, le point central de ce nouvel album consiste en la suite éponyme, découpée en 6 parties et dont le cœur est bien entendu formé des deux sections créées à l'époque pour les Buggles. Si les mélodies restent identiques, la version "yessienne" de ces morceaux est naturellement bien plus complexe, avec des orchestrations fouillées, des rythmiques syncopées qui "breakent" régulièrement, et un Benoit David franchement à la hauteur. Bref, le grand Yes est présent et bien présent, dans un style qui rappelle effectivement la période Drama, mais qui balaie allègrement les différentes périodes de l'histoire du groupe.
Nous ne vous ferons pas l'injure de souligner de nouveau l'incroyable talent des musiciens de ce groupe, les lignes de basse monstrueuses du grand Chris Squire soutenues par le non moins magnifique Alan White, ou encore les arabesques "guitaristiques" de Monsieur Steve Howe. Quel bonheur de retrouver tout ce beau monde pour un enchaînement, certes pas toujours très cohérent des 6 plages (notamment la part. IV qui est carrément coupée pour une reprise du thème principal), mais qui fait un bien fou aux oreilles et aux neurones qui se trouvent connectés juste derrière.
La suite de l'album nous propose des titres plus contrastés, du (trop) simpliste mais néanmoins sympathique The Man You Always Wanted Me To Be à l'excellent Into The Storm, en passant par le dispensable "morceau-solo-barbant-de-Steve-Howe-tout-seul-à-la-guitare-classique" (Solitaire !), comme un résumé de la vie décidément bien agitée de ces papys du progressif !
Album inespéré après autant d'années d'attente, Fly From Here se révèle comme une excellente surprise pour un groupe dont l'histoire chaotique a de quoi dérouter le fan le plus absolu. Suffisamment complexe pour satisfaire les aficionados irréductibles du groupe, mais largement plus abordable que certaines de ses productions antérieures, il devrait plaire au plus grand nombre. C'est tout le moins que l'on puisse souhaiter, afin de prolonger une aventure entamée depuis maintenant 42 ans !