Pour la grande majorité des amateurs de musique progressive, le nom de Jon Anderson est irrévocablement lié à celui du groupe Yes, dont il fut le chanteur jusqu’en 2008, année au cours de laquelle de graves problèmes respiratoires l’obligèrent à annuler la tournée-anniversaire du groupe. Depuis, Yes travaille avec Benoît David, et Jon a préféré poursuivre sa carrière en solo, continuant toutefois à apparaître avec Rick Wakeman, autre membre emblématique de Yes. La carrière solo de Jon a été marquée par des collaborations prestigieuses - Vangelis, King Crimson, Mike Oldfield, Toto, Kitaro ou Tangerine Dream entre autres. Mais ici, avec la parution de “Survival & Other Stories”, c’est le concours d’anonymes que Jon a sollicité, par le biais d’une demande internet - une façon pour le moins originale de concevoir un album.
Le résultat ne pourra pas être classé dans la mouvance progressive - et d’ailleurs les productions solo précédentes de Jon oscillent entre le progressif soft et une world-music plus FM. Les titres de “Survival ...” ont des structures simples, sans grands développements instrumentaux, souvent appuyés sur le piano (‘Just One Man’) ou la guitare acoustique (‘Understanding Truth’), parfois appuyés par des touches orchestrales (‘Incoming’, ‘Unbroken Spirit’), ou rehaussés de percussions donnant une petite touche world (‘New New World’). Conformément à l’habitude de Jon, les textes sont souvent orientés vers la spiritualité.
Reste le timbre très particulier de Jon, avec cette voix haut-perchée mais jamais prise en voix de tête (falsetto), ce timbre qui s’adapte si bien aux ambiances progressives éthérées, mais qui se trouve un peu décalée dans le registre plus new-age-FM représenté ici. Reste aussi cette diction très particulière, une de ses marques de fabrique, avec cette entame très tranchée des syllabes qui confère un rythme sautillant à tous ses phrasés : cette prononciation très originale impose une sorte de discontinuité qui gêne une montée en progression comme dans ‘Incoming’, où ligne vocale et orchestre se retrouvent comme en opposition, régularité contre fluctuations, bizarre contraste qui freine l’adhésion de l’auditeur. Nous touchons ici les limites de son style vocal : Jon Anderson est-il un interprète original avec un timbre exceptionnel ? Très certainement. Un grand interprète ? Probablement pas, puisque n’adaptant pas son style de chant en fonction des ambiances proposées.
Au final, Jon Anderson nous livre ici un album empreint de légèreté, mais ne possédant pas la poésie nécessaire pour emporter une adhésion déjà endiguée par une certaine naïveté dans les compositions musicales. Un album sympathique pour une réunion autour d’un feu de camp, évidemment bien loin des productions yessiennes, mais porté par une certaine volonté d’harmonie.