Tangerine Dream, en ce milieu des années 80, semble bel et bien s’être définitivement éloigné de son inspiration électro-progressive et psychédélique, admirablement mise en musique au cours de la période seventies. On peut certes le regretter, mais si on admet qu’une griffe artistique doit inéluctablement évoluer avec le temps, pourquoi ne pas découvrir la verve mandarinienne dans sa nouvelle formule, et l’évaluer pour ce qu’elle est ? Si vous avez aimé "Le Parc", vous ne pourrez pas être indifférent à cet "Underwater Sunlight"; sûrement pas. Sa qualité d’écriture flirte avec l’obtention des palmes de l’excellence mélodique et émotionnelle.
Une fois n’est pas coutume, le chant de la baleine se taille la part... du lion. Particulièrement en sa deuxième partie, 'To Dusk...', servie par une introduction au piano merveilleusement songeuse, une recette d’un éveil émotionnel ascendant, tel que le répertoire mandarinien n’en avait plus prodigué depuis pas mal de temps. La suite est un long crescendo permettant les entrées en scène successives des différents synthés de l’arsenal d’Edgar Froese (dont l’équipage s’est transformé et renforcé d'un quatrième comparse, depuis "Heartbreakers" paru l’année précédente, encore sous la bannière du trio), et qui dépeint au final un monde baignant dans la contemplation et l’extase spirituelle. Vous voilà plongé aux confins d’un paradis de sérénité, que l’on pourrait opportunément imaginer sous une forme aquatique.
L’ensemble de l’album se révèle très en phase avec ces lumières des profondeurs, sur une tonalité uniformément harmonieuse, et résolument onirique. Pour la circonstance, le rêve mandarine se change en rêve sous-marin. Ainsi, passé le somptueux 'Song Of The Whale', vous pourrez encore vous élancer dans la ronde enivrante de la danse du dauphin, vous laisser ensorceler par les méditations rythmiques, lumineuses et énigmatiques de 'Ride On The Ray', ou encore vous abandonner à ce monde du silence aux lueurs diffuses et turquoises, tel qu’il pourrait être évoqué par les diaphanes et sublimes vocalises (ou supposées telles) introduisant le presque éponyme 'Underwater Twilight'. Un irrésistible chant de sirènes ? Finalement, seul 'Scuba Scuba' n’est pas tout à fait convaincant (s’éloignant peut-être de la thématique du projet ?), et semble traîner en longueur. C’est pourtant le titre le plus court de l'album !
C’est indéniable, nos Allemands se sont engagés sur la voie d’un easy listening, parfois chill-out, et certains seront sans doute agacés par la brillance et l’épaisseur de la texture sonore (place au numérique... les claviers analogiques, ici, n’ayant pas droit de cité). Mais il y a du bon et du mauvais, en toute catégorie artistique. Et si vous appréciez ce type de musique, vous perdriez l’occasion d’un moment de plénitude en vous privant d’"Underwater Sunlight".