Nouveau label (Firedoom, sous-division de Firebox) et premier signe de vie depuis quatre ans, c’est dire si And The Other That Was A Machine… a de sérieuses allures de nouveau départ pour Rainroom. Les Finlandais le méritent. Pour ceux – la majorité donc – qui ne le connaîtraient pas, sachez que le groupe développe un propos assez original, aussi bien dans le fond, qui se nourrit de tout un imaginaire issu du mouvement Steam Punk, que dans la forme travaillant des modelés à la croisée du Doom Death et du progressif.
Au premier, il emprunte les gorges profondes bien caverneuses, les atmosphères désenchantées et ce sens du riff comme arc-boutant d’un édifice mélancolique. Au second, un maillage qui n’aime rien moins que déployer ses ramifications tentaculaires via de longues compositions. Si les deux genres partagent – souvent – un goût prononcé pour les durées excessives, ils cultivent chacun ce penchant d’une manière différente voire franchement opposée, l’un jouant plutôt sur la lenteur, l’autre, sur la progression et la complexité. Or, Rainroom a justement recours à ces deux voies possibles, en cela qu’il forge un art aux tubulures tortueuses qui ne risque pas de battre des records de vitesse. Ajoutez à cela une touche sombre à la Katatonia dans cette façon qu’ont les guitares de tisser des lignes entêtantes, lanterne guidant le voyageur égaré dans la brume, et vous aurez, peut-être, une petite idée du contenu de cet album, au visuel particulièrement réussi, qui passionne tout du long de ses cinq pièces d’orfèvrerie aux allures de tableaux de maître.
C’est d’ailleurs par celle sur laquelle plane le plus l’ombre du groupe de Anders Nyström que cette seconde cuvée nous ouvre tout d’abord l’accès vers son intimité obscure, "Forms And Facades, Or A Dream Of An Omniscient Automaton" s’abîmant en fin de parcours dans une fente ténébreuse que ramone un riff obsédant que n’aurait pas renié les Suédois à l’époque de Brave Murder Day (la meilleure donc), influence perceptible également durant "… Yeah, Many Machines" et que confirme le nom du groupe, puisque "Rainroom" est le titre d'un de leur morceau.
Si le reste de l’album se révèle un peu plus délicat à pénétrer, tant il multiplie les recoins et les ambiances labyrinthiques, il séduit par sa constante inventivité et sa cohérence de ton et de trait. Loin d’être immédiats, des titres tels que "Abort Engine" ou "Steam Conjecture" déroulent au contraire une trame constamment cisaillée par des aplats atmosphériques ou des crevasses au fond desquelles bouillonnent les idées. Plongée dans un XIX° siècle en plein Révolution Industrielle, on y devine un gros travail d’écriture qui permet aux Finlandais d’être une des bonnes surprises de cette année et ce, d’autant plus, qu’on les avait franchement oubliés depuis un jet séminal qui n’était pourtant pas sans qualité.
Mais il faut admettre que ce Dark/Doom progressif, puisqu’il faut bien lui donner une appellation, est étonnant et non dénué de beauté dans sa peinture d’une achronie grondant du bruit des machines à vapeur dont le groupe réussit à capturer les vibrations charbonneuses. Fort d’une musique balayant un large spectre sonore et pouvant désormais compter sur l’appui d’un puissant label, Rainroom devrait pouvoir rattraper le temps perdu et imposer son nom.