Les Etats-Unis viennent d’envahir le Cambodge, Nixon est élu président, le général De Gaulle s’éteint et vous écoutez Blood Ceremony. Sauf que nous ne sommes pas à la fin des sixties ou au début de la décennie suivante mais en 2008, et ce groupe canadien n’a que deux ans d’existence. Pourtant, dès le monumental "Master Of Confusion" - près de sept minutes d’orgasme - qui ouvre le bal avec sa longue intro à l’orgue Hammond, on se croirait revenu plus de trente ans en arrière. Le mimétisme est étonnant.
Avec bonheur, le groupe est parvenu à restituer cette patine seventies, véritable Saint-Graal recherché aujourd’hui par maints musiciens, dont un certain nombre – Circulus, Witchcraft ou Diagonal - s’abritent eux aussi dans la cabane de Lee Dorrian (Rise Above), un vrai fan du genre : même son, même ambiance. Le chant féminin, plus Amon Düül II ou Zephyr qu’envolées lyrico-vulgaires des bimbos gothiques qui polluent actuellement le métal, l’esthétique et l’inspiration façon films d’horreur de série B et Z (ceux de Jesus Franco, de Jean Rollin, Antonio Margheriti ou de Mario Bava, de vraies pépites pour les connaisseurs) ainsi que le recours à une flûte enlevée à la Jethro Tull omniprésente, participent aussi de cette photocopie des formations des années 70.
Le tout baigne dans des relents d’occultisme bon teint, un peu comme les premiers Black Sabbath, entité dont on est bien obligé de parler à l’endroit de Blood Ceremony. Des noms de morceaux tels que "Into The Coven" ou "Children Of The Future", cela ne vous rappelle rien ? Si Ozzy avait eu une paire de seins au lieu du reste, alors le groupe de Tony Iommi aurait (presque) pu enfanter cette galette garantie 100% vintage dont les dessous de bras transpirent les années 70 par tous les poils. Il suffit d’écouter certains pans du remarquable "Return To Forever", par exemple, pour s’en convaincre. Presque, car il manque toutefois à ces neuf compositions ces riffs plus bas que terre et cette aura noire que son aîné gravait avec largesse.
Ce premier essai lorgne donc davantage vers le pur hard-rock psychédélique que vers le heavy-metal primitif. Moins stoner que Witchcraft notamment, les Canadiens témoignent d’une allégeance flamboyante et sincère à cette glorieuse époque et son opus regorge de points G cataclysmiques : outre le déjà cité "Master Of Confusion", citons aussi "I’m Coming With You", "The Rare Lord", et surtout l’envoûtant "Hymn To Pan", illuminé par un final jouissif. Blood Ceremony ou la machine à remonter le temps du Hard-Rock, une échappée rafraîchissante pour tous les nostalgiques et les lecteurs de Mad Movies.