Gens de la Lune nous revient 3 ans après un excellent album éponyme qui nous avait permis de vérifier que, malgré sa séparation d'avec Ange, Francis Décamps n'avait pas perdu son talent d'auteur-compositeur. Ce deuxième opus aura tardé à venir et, si les fans l'attendaient avec impatience, le groupe fut soulagé d'avoir réussi à le sortir.
Ce ne sont pas les aléas qui ont manqué pendant la période de gestation de l'album dont le pire aura été l'orage de grêle qui a ravagé et inondé le studio détériorant pas mal de matériel physique et numérique. Le groupe a du refaire une bonne partie des enregistrements déjà bouclés d'où, peut-être, le sentiment de lassitude qui poussera Damien (guitares) à quitter le vaisseau (qu'il réintégrera heureusement peu de temps après). Entre studio prêté par de bonnes âmes compatissantes, changement de bassiste, retour du guitariste prodigue, et le soutien des "Luniens" fans du groupe, la galette tant attendue est enfin sortie et il ne restait plus qu'à en faire l'écoute : "Alors joue !".
Le premier contact est un peu décevant car, là où on attendait une progression qualitative du son, une impression de manque de clarté brouille l'écoute. Cette relative déception s'atténue au fil des auditions successives et, heureusement, passée cette période d'adaptation, "Alors joue !" révèle ses richesses. Il est difficile toutefois de faire abstraction du premier album éponyme de GdlL qui était une vraie réussite, et, au jeu de la comparaison, ce deuxième effort ne jouissant pas de l'effet de surprise, un petit sentiment de redite prévaut sur certains titres.
Déjà composante importante du premier album, la voix puissante de Jean-Philippe Souzan (Jean-Phi pour les dames) est omniprésente sur ce nouvel opus. La nouveauté vocale est l'intervention au chant, sur près de la moitié des titres, de Francis Décamps, ce qui rappellera de bons souvenirs aux fans d'Ange première période. D'ailleurs, la voix de Francis ajoutée à l'ambiance musicale donnent au second titre ("Je te laisse") une forte filiation avec "Histoire de Fou", son album solo de 1979.
Si l'on omet "Alors joue !" et "Quel désastre !" qui semblent tout droit sorties du premier album, les 6 autres plages sont plus innovantes et il serait injuste de ne pas saluer l'ultime composition justement nommée "Le meilleur pour la fin". Cette longue pièce (11'45) permet à chaque musicien de pleinement s'exprimer, confirmant les qualités de Damien qui envoie de magnifiques soli de guitare et de Farid qui a bien fait de venir, avec sa basse chirurgicale, épauler la truculente batterie de Cédric.
A l'heure du bilan, on retiendra qu'au fil des écoutes cet album révèle des qualités qui font oublier ses faiblesses. Gens de la Lune est un groupe qui a trouvé une identité musicale originale et, en concert, leur rock festif et néanmoins progressif n'a pas son pareil pour enflammer les salles. Et puis, ne vaut il mieux pas un album entaché de petites erreurs techniques mais bourré de grandeur d'âme qu'une production parfaite sans imagination et sans feeling ?