Le deuxième album du groupe espagnol Kotebel, "Mysticae Visiones", fait partie de ces disques contenant une suite-fleuve, format cher à tout amateur de rock progressif qui se respecte un tant soit peu. Oui, mais la longueur du titre ne fait pas tout, encore faut-il que l'inspiration soit au rendez-vous. Si c'est le cas, c'est le bonheur assuré pour l'auditeur réjoui qui voit son plaisir se prolonger sur plusieurs dizaines de minutes. Dans le cas contraire, c'est le pensum imbuvable et parfois impardonnable qui peut ruiner la réputation d'un groupe.
Kotebel, qui a déjà montré avec son premier album, "Structures", qu'il n'avait pas froid aux yeux, décide donc de n'inclure dans leur nouvel production que deux titres : l'éponyme 'Mysticae Visiones', long de 35 minutes et 41 secondes, et 'The River', qui atteint la durée respectable de 14 minutes 48 quand même.
Pour réaliser cet ambitieux projet, Carlos Plaza, le créateur, leader, et homme à tout faire du groupe, s'est entouré de deux nouveaux comparses : le guitariste Cesar Forero et la chanteuse Carolina Prieto. Que ceux qui avaient apprécié la flûte enchantée de Omar Acosta sur l'album précédent se rassurent, celui-ci fait aussi partie de l'aventure.
Il serait fastidieux et délicat de décrire par le menu les différents mouvements de 'Mysticae Visiones'. Le morceau alterne de longues plages atmosphériques, renvoyant aux belles heures de Tangerine Dream et Klaus Schulze, à des passages bien plus musclés, tantôt proche d'un jazz-rock avant-gardiste rappelant Magma ou Art Zoyd, tantôt proches de compositeurs du XXéme siècle comme Satie et Debussy. Les deux petits nouveaux s'illustrent fréquemment. La guitare de Cesar Forero a parfois un petit air de Santana. Quant à Carolina Prieto, chacune de ses interventions est magique. La diva ne chante pourtant que par onomatopées, mais son timbre d'altiste est fortement imprégné de nostalgie et ses volutes fantomatiques d'une intense beauté dégagent une infinie tristesse. La flûte est aussi de la fête, s'invitant indifféremment et avec autant de bonheur sur les passages jazz que sur les instants plus mélancoliques.
Après ce premier titre magnifique, le second, plus expérimental, moins harmonieux, passe plus difficilement. Rock progressif à tendance avant-gardiste, il réserve cependant quelques beaux passages de guitare, flûte, basse et claviers. Mais l'absence du chant parait déjà insupportable, tant son pouvoir d'addiction est fort.
Si la musique de "Mysticae Visiones" est plus exigeante que celle de "Structures", le sens de la composition de Carlos Plaza et la qualité des interprètes, Carolina Prieto en tête, permettent à Kotebel de réussir son pari en captivant sans difficulté l'attention de ses auditeurs, ceux-ci perdant toute notion du temps à l'écoute de cet album...intemporel.