Si certains groupes donnent l'impression de tourner en rond en rabâchant la même musique tout au long d'un opus, ou de se répéter d'album en album, ce n'est certes pas un reproche qui peut s'appliquer à Kotebel. Après un premier disque entièrement instrumental et dominé par les claviers, suivi d'un second constitué essentiellement d'une longue suite de plus de 35 minutes, le groupe espagnol nous revient avec un album comprenant une dizaine de morceaux s'échelonnant d'à peine 2 minutes à près de 15 minutes et au contenu musical très diversifié.
Il faut dire que le groupe dispose d'un certain nombre d'atouts qui lui permettent de laisser libre cours à ses idées les plus audacieuses avec un égal bonheur : des compositions raffinées oscillant entre classique contemporain et rock progressif, en faisant des détours par le jazz-rock et le rock électronique, et des interprètes possédant une forte personnalité, que ce soit Carlos Plaza aux claviers, Carolina Prieto au chant, Omar Acosta à la flûte, ou Cesar Forero à la guitare, chacun sachant cependant mettre son talent au service de la collectivité.
Le découpage même de l'album fait preuve d'un grand sens de l'équilibre : les trois mini-suites supérieures à dix minutes sont situées au début, au milieu et à la fin de l'album, les trois intermèdes guitaristiques ('El Quimerista') occupent respectivement la troisième, la sixième et la neuvième position. Entre ceux-ci s'intercalent les autres titres au format médian. De même, les titres chantés par Carolina Prieto ('Hades', 'Memory' et 'Fragments Of Light') et, nouveauté, par Juan Olmos ('Fuego') sont équitablement repartis sur l'album et séparés par deux titres instrumentaux à chaque fois, préservant l'équilibre de l'album.
Si 'Legal Identity' et 'Fuego' pêchent un peu, le premier par son côté saccadé peu harmonieux, le second par un chant pleurnichard, très démonstratif et parfois à la limite de la justesse, tous les autres titres sont d'une grande richesse. 'Hades' mêle envolées instrumentales et passages mélancoliques, mélancolie encore avec le très beau 'Memory' où la flûte enchanteresse s'enroule et se déroule autour des vocalises magiques de Carolina Prieto, mélancolie toujours avec le duo piano/basse de 'Mirrors' rappelant Erik Satie, enfin, magie du titre éponyme qui permet une fois encore à Carolina Prieto de nous enjôler de sa voix admirable. S'il est une voix dont il faut tomber amoureux, c'est sans hésitation de celle-ci.
Appendice à l'album, 'Children Suite' reprend huit courtes pièces classiques à la manière d'un Erik Satie ou d'un Claude Debussy, entièrement interprétées au piano solo par Carlos Plaza, dégageant une douceur nostalgique.
"Fragments Of Light" nécessite plusieurs écoutes avant de pouvoir apprécier pleinement la richesse qu'il propose, mais l'effort consenti en vaut vraiment la peine. La voix fantomatique et cristalline de Carolina Prieto devrait être un stimulant suffisant pour donner aux plus récalcitrants l'envie de persévérer.