On sentait bien que Blut Aus Nord était parvenu au bout de quelque chose avec l'abyssal MoRT en 2006. Faire pire dans la décrépitude sinistre était impossible. Descendre encore une marche supplémentaire vers le néant aussi. De fait, l'année suivante, Odinist, bien que toujours pollué par cette noirceur charbonneuse qui est devenue le principal atour des Français, entamait une remontée vers davantage de lumière, vers un art (relativement) plus accessible.
Second et à priori dernier pan d'un diptyque, Memoria Vetusta II s'inscrit dans ce demi-tour évolutif. Nombreux sont ceux qui attendaient comme le messie cette suite enfin matérialisée et ce depuis 1996 ! Ceci dit, il peut sembler tout de même surprenant de la part de ces mystérieux musiciens de l'avoir finalement réalisée, eux qui avait fait le choix, à la fin des années 90, de prendre leur distance tant thématique que humaine avec la scène black-metal ambiante, démarche qui devait aboutir en 2001 au monstrueux The Mystical Beast Of Rebellion, première étape vers une déconstruction du genre.
Après treize ans d'attente, ce deuxième volet est donc enfin entre nos mains. Pour autant, il n'est pas évident que tous les vieux fans du projet s'y retrouvent. En effet, on ne balaye pas comme un fétu de paille près d'une dizaine d'année d'expérimentations passées dans l'obscurité opaque et lugubre. Ca laisse des traces : Memoria Vetusta II en porte tout de même les stigmates. Les strates gangrenées par des sédiments affreusement sombres qu'empilent des guitares vertigineuses témoignent que Blut Aus Nord ne s'est pas encore décidé à digérer sa descente aux enfers. Alors certes, cette œuvre, balisée par quelques plages instrumentales superbes (le terminal "Elevation" surtout), porteuse d'une dimension métaphysique rare, renoue avec la flamboyance de son aîné et ce faisant, se pose comme la création la plus accessible que cette singulière entité a enfanté depuis longtemps.
De même, Dialogue With The Stars, c'est son sous-titre, se drape dans une cape souvent majestueuse qui permet à ses compositions de flotter bien au-dessus de nos têtes, tout là-haut vers des cieux inaccessibles. Ces longues pièces épiques et grisantes que sont "Disciple's Libration (Lost In The Nine Worlds)", "The Cosmic Echoes Of Non-Matter (Immaterial Voices Of The Fathers)" ou bien encore "The Formless Sphere (Beyond The Reason)" se révèlent être ainsi de purs chefs-d'œuvre, vastes épopées cosmiques d'une ampleur et d'une profondeur peu communes. Néanmoins, Memoria Vestusta II sillonne des contrées bien plus noires que son prédécesseur en dépit des oripeaux mélodiques qu'il affiche. On sent tout du long une intensité sourde, parfois à deux doigts d'exploser. C'est un magma incandescent qui bouillonne, toujours prêt à déverser sa substance négative à travers les canaux de ces pistes à la trame tentaculaire.
C'est beau, envoûtant. C'est terriblement noir surtout. Mais en comparaison avec les derniers méfaits de ses géniteurs, il est certain que cet album est pour eux une bouffée d'air. Ils avaient besoin de reprendre leur souffle, de remonter à la surface, quand bien même celle-ci n'est jamais lisse ni totalement paisible. Pour combien de temps ? Nul ne le sait et certainement eux non plus. De What Once Was... Liber I à 777 Sect(s), la suite montrera que ce besoin d'oxygène aura vite été rassasié...