Nous avions laissé Steve Moore et Anthony Paterra en 2009 et un split tout à fait intéressant partagé avec Maserati. Deux ans plus tard, les voilà de retour avec un quatrième voyage dans le temps. Détenteur d’un style dont il ne se départira sans doute jamais (ce qu’on ne lui demande pas de faire d’ailleurs), Zombi tricote depuis 2002 un space-rock instrumental extrêmement personnel, alimenté aux bandes originales de films écrites par John Carpenter. Pas de chant donc, ni de guitares, mais une batterie synthétique et surtout une myriade de sons électroniques qu’étendent des claviers généreux aux teintes analogiques qui sentent le bon vieux Moog. Anachronique peut-être mais toujours jouissif, certainement.
Escape Velocity ne surprendra donc personne dès lors que l’on connaît bien ses auteurs. Pourtant, les Américains y démontrent, outre une maîtrise du genre que l’on ne saurait de toute façon leur contester, une volonté constante, sinon de progresser ,au moins de travailler leur art auquel ils évitent de tomber dans le piège regrettable de la stagnation. Encadrés par deux sentinelles (le titre éponyme ainsi que "Time Of Troubles") qui n’apportent pas grand chose de neuf, il y a heureusement trois énormes pulsations qui propulsent cet album vers des sommets.
C’est tout d’abord "Slow Oscillations" qui, comme son nom l’indique, est basé sur de lentes ondulations qui se répandent tel le ressac. Malgré ses à peine trois minutes au jus, il s’agit d’un vrai petit bijou qui prouve que Zombi n’est absolument pas inféodé au paradigme basé sur de longues structures qu’il développe depuis une dizaine d’années. Lui succède ensuite le gigantesque "Shrunken Heads", performance sombre, obsédante et hypnotique qui confine à une forme de transe grâce à son motif technoïde répété durant plus de 8 minutes aux confins des bandes-sons horrifiques italiennes des années 70 et 80. On tient là assurément une des plus belles et envoutantes pièces jamais écrites par le tandem. Arrive enfin "DE3" dont les couleurs synthétiques s’assombrissent dans sa seconde partie où de nombreuses et torrentielles couches électroniques se disputent l’espace sonore tandis que les percussions de Paterra les soulignent de leur groove lancinant.
Malgré le déluge de synthétiseurs, la musique des Américains conserve toujours un aspect au final très rock et accrocheur, qualité qui lui permet d’échapper à la stérile démonstration technique que les septiques se seraient attendus à trouver. Nonobstant une durée dont on ne peut que regretter qu’elle ne soit pas plus longue (la demi-heure n’est franchie que de peu) et une architecture curieuse, Escape Velocity peut toutefois être envisagé comme un des meilleurs albums que Zombi ait enfanté à ce jour, synthèse parfaite de ses précédentes créations sans pour autant faire changer d'avis ses détracteurs sur son compte. Mais un disque dont la pochette (dans l’esprit de ce que faisait autrefois Hipgnosis) où figure une femme nue peut-il être mauvais ? Non, bien évidemment...