La Finlande et le Doom, c'est une longue histoire débutée, pour faire simple, avec les démos séminales du cultissime Unholy à l'aube des années 90, et qui se poursuit encore aujourd'hui. On pensait avoir tout entendu de la part de ce genre protéiforme. Pourtant rien ne nous avait vraiment préparé à affronter les délires hallucinés de Aarni, one-man band du seul Master Warjomaa.
Après un split aussi hermétique que barré, partagé avec son compatriote et non moins atteint que lui,Umbra Nihil, et qui en a laissé plus d'un sur le bord de la route, le Finlandais accouche en 2004 d'un premier ovni. Intitulé Bathos, celui-ci ne ressemble à rien, assemblage pour moitié instrumental, disparate et bariolé de plus de 65 minutes dérivant dans une lointaine galaxie entre Doom bizarre, proto-prog azimuté et effluves acides. D'ailleurs, son étrange et naïf artwork sentant bon le psychédélisme enfumé est un indice assez juste du contenu dont il sert d'écrin. De fait, décrire cet album tient de la gageure et ce d'autant plus que ses longues compositions ne semblent vouloir aller nulle part, témoin ce "Kivijumala" tavelées de multiples tâches.
On n'y comprend pas grand chose et sans doute n'y-a-t-il rien à comprendre, néanmoins, dans sa folie, Bathos conserve une vague homogénéité et réussit même parfois à envoûter autant qu'il laisse perplexe. Passé une introduction assez belle car installant un climat aux confins du mystère, l'œuvre commence à décrocher de la réalité dès "Squaring The Circle", un des titres les lourds de ce menu labyrinthique.
On descend ensuite de Charybde en Scylla, entre un "Quinotaurus" dont la seule balise à laquelle se raccrocher est une flûte aux accents poétiques, et le spatial et quasi-instrumental "Mental Fugue", que rehaussent des percussions et des synthétiseurs bizarroïdes. Et que dire de "Niut Net Meru" qui agglomère intro arabisante, chants extraterrestre et lignes mélodiques (?) déglinguées ? Heureusement, Bathos s'achève sur le ouaté "Kesäyö", lente rêverie qui prend peu à peu forme, errance contemplative que pilote une guitare venue d'ailleurs. Bien qu'aussi étrange que le reste, cette composition finit par séduire par sa beauté hypnotique et les atmosphères franchement irréelles qu'elle sécrète.
Il va sans dire qu'avec ce premier album longue durée, Aarni ne laisse personne indifférent. Foutage de gueule ou inspiration habitée, telles sont les deux opinions qui se disputent le sujet finlandais. Bathos demeure pourtant presque accessible et raisonnable en comparaison de ce qui lui succédera, qu'il s'agisse de Tohcoth, du Ep Omnimantia ou du split en hommage à l'univers de Lovecraft, qu'il partagera avec Umbra Nihil, Jääportit et Caput LVIIIm....