L’histoire de Kansas ressemble à un scénario de feuilleton télévisé : une paire de copains (Kerry et Steve) qui joignent leurs talents d’écriture, combinant un style de rock progressif à l’anglaise avec des influences classiques et des touches plus américaines (le violon country). L’excellence de leur travail les mène à un succès planétaire dans les années 70. Mais dans les débuts 80, une brouille s’installe entre Steve et Kerry, et Steve décide de partir, laissant la direction du groupe à Kerry. Kerry engage donc un nouveau chanteur, d’obédience chrétienne comme lui, ce qui change grandement l’orientation musicale du groupe, devenue plus basiquement rock FM. Les fans ne s’y retrouvant pas vraiment, le groupe splitte en 1983. Mais Steve regrette cette décision, et reforme le combo trois années plus tard - en l’absence de Kerry, ils sont toujours brouillés. Un premier effort, “Power”, se montrera plus progressif mais ne connaîtra qu’un succès d’estime. Steve s’interroge alors : Comment retrouver le succès ?. Et c’est là que sa route croise celle d’un célèbre producteur canadien, le très influent Bob Ezrin.
La carte de visite d’Ezrin est impressionnante : il a travaillé avec Alice Cooper, Kiss, Peter Gabriel, Lou Reed et Pink Floyd, en tant que producteur mais aussi comme musicien et co-compositeur. Son influence est déterminante sur le style des groupes qu’il a côtoyé, il en sera de même pour la cuvée 1988 de Kansas, cet album, “In The Spirit Of Things”, dont il est ici question. Un titre comme ‘Rainmaker’, ou les chœurs de ‘One Big Sky’, présentent une coloration comédie musicale qui peut être retrouvée dans certaines productions d’Alice Cooper, par exemple, avec ambiance symphonique. “In The Spirit Of Things” est un concept-album, racontant l’histoire d’une dramatique inondation survenue dans la ville de Neosho Falls au début de années 50. Malgré ce concept, l’unité musicale n’est pas de mise ici, et Kansas ne fait plus du Kansas : oublié le violon, mis de côté le style progressif original, envolées les savantes digressions instrumentales, mais présentes les nombreuses interventions de chœurs (féminins ou d’enfants). A tout prendre, le style n’est pas si éloigné de “Vinyl Confessions”, où Livgren et les frères Elefante avaient entraîné Kansas vers les rivages du rock californien à la Toto. Rien de rédhibitoire, mais très éloigné des ambitions musicales des débuts de Kansas. Steve Walsh a légèrement changé de registre vocal, jouant plus fréquemment dans les graves et délaissant le plus souvent les grandes montées vers les aiguës qu’il affectionnait auparavant. Son interprétation vocale est cependant très engagée, à l’image de ‘Ghost’, de ‘One Man , One Heart’ ou d’un ‘Preacher’ flirtant vocalement avec AC/DC !! Ce qui explique peut-être l’affection qu’il porte à cet opus.
Juger cet album est un exercice périlleux : c’est un objet bien produit, pas déplaisant, mais souvent assez léger (‘I Counted On Love’ ou ‘Stand Beside Me’ sont très moyens) et qui n'arrive pas à accrocher réellement l'auditeur. Les aficionados qui espéraient une renaissance du grand Kansas des années 75-85 en seront donc pour leurs frais. Pour ceux qui font partie des fans de la première heure, cette erreur de tir qui n’aboutit qu’à une production finalement assez formatée, se retrouve sévèrement considérée. Esprit de Kansas, où es-tu ?