C’est une évidence depuis son album éponyme datant de 2005 : Apocalyptica a pris une envergure qui l’oblige à composer avec certains impératifs commerciaux. Est-ce pour cela que le désormais quatuor doit être accusé d’avoir vendu son âme au diable ? Chacun se fera (ou s’est déjà fait) sa propre opinion. Ce qui est certain, c’est que ces considérations ne doivent pas déformer l’approche objective de ce nouvel opus des Finlandais alors que les extraits que ces derniers nous avaient laissé découvrir à l’occasion de la cérémonie de l’Eurovision (se tenant à Helsinki suite au retentissant succès de leurs compatriotes de Lordi) nous avaient mis l’eau à la bouche.
Si vous n’avez pas apprécié l’évolution engagée avec "Apocalyptica", il y a peu de chance que vous changiez d’avis avec ce "Worlds Collide" qui suit le même chemin en passant à un niveau supérieur. Car ce ne sera pas faire injure aux talentueux Lauri Ylönen (The Rasmus) et Ville Valo (HIM), sans parler de la charmante Manu (Dolly), mais avec la présence de Corey Taylor (Slipknot, Stone Sour), Till Lindemann (Rammstein) ou Cristina Scabbia (Lacuna Coil), pour ne citer que les plus célèbres, Eicca Toppinen et sa bande fricotent avec le gratin d’un genre autour duquel se réunissent amateurs de métal bien léché et adolescents en recherche de sensations fortes. En effet, ce sont bien deux mondes qui entrent en collision sur ce nouvel album : celui du métal original, puissant et symphonique que les violoncellistes scandinaves nous servent depuis leurs débuts, et un métal plus commercial représenté par ces titres à la structure plus classique et accessible, chantés par quelques interprètes qui ne laissent pas insensibles des publics plus consommateurs et suiveurs de modes.
Pourtant, Apocalyptica s’en sort haut la main en proposant un ensemble qui reste cohérent malgré sa diversité. Les clins d’œil aux radios sont de qualité, que ce soit un "I’m Not Jesus" interprété par Corey Taylor ou un "I Don’t Care" chanté par Adam Gontier (Three Days Grace), titres aux refrains accrocheurs et aux couplets pop-métal mélodiques. De leur côté, Till Lindemann et Cristina Scabbia offrent de belles performances, entrant parfaitement dans l’ambiance sombre et mélancolique des Finlandais, le premier en adaptant le "Heroes" de David Bowie dans la langue de Goethe pour un "Helden" martial et émouvant, et la seconde en portant un "S.O.S. (Anything But Love)" qui n’aurait été qu’un titre gothique classique sans sa superbe interprétation. Les sept autres titres œuvrent dans un format instrumental classique pour le quatuor depuis l’intégration de Mikko Siren à la batterie, ce qui n’empêche pas l’habitué des lieux qu’est Dave Lombardo (Slayer) de venir propulser un "Last Hope" flirtant avec Thrash et Death, et éclairé de soli de violoncelles enflammés. Enfin, nous n’oublierons pas au rayon des invités, le guitariste et compositeur nippon Tomoyasu Hotei qui participe à la composition et à l’interprétation d’un "Grace" un peu déstructuré mais à la guitare trop discrète.
Pour le reste, entre le majestueux et introductif "Worlds Collide" et le final délicat d’un "Peace" envoutant comme un paysage finlandais enneigé, "Ion" se fait cinglant, préférant les harmoniques et la distorsion à la mélodie, "Stroke" joue sur l’opposition d’une rythmique claquante et d’une ligne mélancolique, alors que la cavalcade déclenchée par la batterie sur "Burn" s’efface devant une mélodie plaintive et lancinante. Ainsi, si certains regretteront peut-être l’époque de "Inquisition Symphony" et "Cult", ils ne pourront nier la richesse de cette dernière livraison à laquelle seront sensibles tous ceux que la finlanditude a pour habitude de toucher.