Finalement, ce n’est qu’une simple reprise de souffle, une respiration salvatrice et probablement vitale, qu’aura été pour ses géniteurs Dialogue With The Stars, second volet et conclusion d’un concept entamé treize ans plus tôt avec Memoria Vestusta I - Fathers Of The Icy Age, quand bien même il portait encore les traces des ténèbres siphonnées par ses récents prédécesseurs. A peine cette entreprise achevée, Blut Aus Nord décidait, sans doute lassé de l’exposition apportée par le puissant Candlelight, de goûter de nouveau à l’obscurité de l’underground en signant avec le plus modeste Debemur Morti.
Or, ce retour dans une caverne qu’aucune lumière ne vient éclairer ni réchauffer n’est pas seulement contractuel puisqu’il est aussi (et surtout) musical. Conçu comme le premier pan d’une série de créations assez courtes enfantées parallèlement aux véritables albums, What Once Was… Liber I, uniquement disponible en format vinyle, confirmant en cela la volonté du groupe de fuir la clarté du jour, a quelque chose d’une fiévreuse excavation dans les arcanes de l’indicible, gouffre sans fin contre les parois duquel grouille un monstre. De fait, il contribue, tout autant que ses aînés, à l’édification d’une œuvre monumentale aux ramifications plus ténébreuses que jamais.
Et n’allez pas remettre en question la sincérité du trio. On sent tout du long de cette trentaine de minutes aussi étouffantes qu’abyssales, un désir bien réel de replonger dans les Fosses Marianne du Black Metal. Blut Aus Nord ne fait rien pour faciliter la pénétration de son art, à commencer par l’architecture même de cette lugubre macération dont la segmentation en deux pistes distinctes ne lui ôte absolument pas ses allures de bloc, de masse vertigineuse et compacte. What Once Was… Liber I doit donc être appréhendé comme un tout, comme une longue plage de cauchemar, et non pas comme l’addition de simples morceaux. Par conséquent, il semble presque vain de vouloir décrire ce magma dissonant, agressif et primitif, gorgé de négativité et d’une laideur absolue, marbre glacial suintant une forme de religiosité occulte plus dérangeante que bien des étrons bêtement satanistes.
Pour autant, ce psaume inverti est-il une réussite ? Difficile à dire tant il se montre d’un accès peu aisé. Car s’y abîmer revient à se perdre. Il est de ces œuvres qui échappent aux habituelles considérations du genre "c’est bien c’est mal". Ode terrifiante et glauque, malsaine et affreuse, Liber I rebutera autant qu’il pourra envelopper le malheureux pèlerin qui se sera égaré dans ses entrailles d’un halo brumeux envoûtant. A vous de juger, mais on a tout de même l’impression que Blut Aus Nord peine à se renouveler réellement dans ce créneau macabre et charbonneux d’une beauté (?) nihiliste qu’il est le seul à creuser. Malgré cette (relative) réserve, les Français continue de surnager au-dessus de l’océan noir. On en attendait peut-être trop…