Après une trilogie d'exception ("Tommy", "Who's Next" et "Quadro phenia"), les Who avaient réussi une élégante reconversion avec le plus conventionnel mais néanmoins attachant "The Who By Numbers". Trois ans plus tard, il est difficile de dire la même chose de son successeur "Who Are You". Il faut dire que Pete Townshend, John Entwistle et Keith Moon cherchent une solution à leurs problèmes existentiels dans l'alcool ou la drogue. Le batteur est tellement mal qu'il ne participera que partiellement à l'enregistrement de l'album, qui sera aussi son dernier, puisqu'il décèdera d'une overdose médicamenteuse en septembre 1978. Triste épilogue pour un musicien qui a marqué l'histoire du rock par sa furieuse façon de frapper sur sa batterie.
Car "Who Are You" est un disque de piètre qualité qui aurait depuis longtemps sombré dans l'oubli si ses géniteurs ne s'appelaient pas les Who. Globalement, les titres sont joués sur un tempo faussement vigoureux, la basse assure correctement sa partie, sans plus, la batterie est anémique, la guitare fantomatique et des synthés envahissants fusent de partout. Seul le chant de Daltrey est égal à lui-même mais ne suffit pas à lui seul à sauver les meubles. Car, par-dessus tout, le problème majeur du disque est l'absence d'intérêt des mélodies, toutes plus quelconques les unes que les autres. Conjugué à la mollesse du jeu des musiciens, cela aboutit à un résultat ennuyeux et un vide abyssal côté émotion.
Alors, rien ne peut-il être sauvé de ce naufrage ? '905' ressemble à un Queen peu inspiré façon Brian May, 'Music Must Change' et son chant insidieux suscite une attention polie, 'Trick Of The Light' retrouve le côté pêchu des Who mais la mélodie est banale, et 'Guitar And Pen', au rythme saccadé et au chant dynamique, aurait pu faire un bon titre s'il était plus court de deux minutes. Le reste est anecdotique, y compris le titre éponyme qui figure malgré tout sur toutes les compilations dignes de ce nom. Pourtant 'Who Are You' est aussi mou que les autres morceaux, seul Daltrey, encore une fois, réussissant à tirer son épingle du jeu en donnant l'air d'y croire. Pour le reste, une mélodie simpliste, un jeu poussif et l'agaçant gimmick des chœurs (Who are you, hou-hou, hou-hou) qui s'incruste dans votre cerveau pour ne plus en sortir, ce qui lui a probablement valu de figurer sur les compilations.
Une fois n'est pas coutume, la chanson la plus intéressante figure parmi les bonus : 'No Road Romance' est une démo où Townshend joue seul, mais qui n'a pas été retenue pour l'album. Il est vrai que c'est une romance un peu désabusée qui détonne par son côté moins popisant, plus travaillé. Un titre qui, à une époque plus faste, et mieux habillé, aurait pu faire son chemin.
Les Who ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes et "Who Are You" est l'album de trop qui rend mal hommage au talentueux Keith Moon. A oublier bien vite en se réécoutant les disques précédents.