Quinze années auront été nécessaires à Jeff Green pour mettre au monde son premier album solo, “Jessica”. Quinze années à porter en lui la douloureuse histoire de cet enfant tant désiré , mais qui n’est jamais arrivé. Il est donc impossible de douter de l’investissement personnel que représente cet opus pour son concepteur.
Pour le réaliser, Jeff a fait appel à des musiciens aguerris, tels un des claviéristes de Pallas (Mike Stobbie), ou Pete Riley, qui a tenu les fûts pour John Wetton. Le ton musical est influencé par de solides références des 70’s, comme Pink Floyd ou les Eagles, mais peut également faire penser au Camel de “Dust an Dreams” dans la structure de l’album, avec de longues séquences musicales et relativement peu de chant.
Si le début de l’album pose assez bien le décor, avec une longue intro musicale plutôt onirique jouant habilement de l’alliance d’une guitare floydienne et de claviers planants, le reste de l’album a du mal à maintenir la tension émotionnelle qui a du habiter Jeff Green lors de l’écriture. La faute probablement à un style assez daté, confiné dans les années 70 - début 80’s, usant de claviers passablement datés (l’alliance clavinet - chords de ‘Essence’, le Hammond édulcoré assez souvent présent, les synthés de ‘Willing the Clouds Away’ ... tout droit sortis de la période Bardens de Camel, ce qui ne nous rajeunit pas). La faute également à des vocaux assez pauvres et qui, tout en restant relativement rares, arrivent à être utilisés assez mal à propos : un titre comme ‘Tomorrow Never Came’, qui devrait être porteur du plus grand désespoir, est très curieusement construit sur un rythme plutôt rock et desservi par les possibilités limitées de Jeff au micro : émotionnellement à côté de la plaque. La faute enfin à des titres de structure extrêmement linéaire : seul ‘Printelwell Chase’ présente une rupture dans sa composition, les autres morceaux, en restant très continus mais toujours très mélodiques, flirtent souvent plus avec l’ennui qu’avec l’émotion.
Il est évidemment pour le moins délicat de critiquer cet album, né dans la douleur et porté par une sincérité que nul ne saurait mettre en doute. Mais “Jessica” illustre toute la différence qu’il y a entre l’intention et le résultat : l’aboutissement est un produit agréable, mais beaucoup trop conventionnel pour emporter une adhésion sans faille.
NB: les recettes de l'album seront reversées au Southend General Hospital, et serviront à mettre en place un espace pour les parents en détresse, avec l'espoir que cette initiative s'étende à d'autres hopitaux.