Un jeune groupe, qu’est-ce que c’est ? C’est une entité qui se construit peu à peu à coup de démos, de concerts et de galères. C’est une entité qui sort enfin au bout de (trop) longues années son premier effort qu’une armée de pisse-copies ne pourra s’empêcher de comparer à d’autres qui sont (forcément !) passés par là avant, à fortiori si c’est de Français dont il s’agit.
Un jeune groupe, c’est par exemple Caldera, formation nancéenne née en 2001 et déjà auteur de trois démos remarquées dans l’underground (dont Bison Skull et Holy Word To Unholy Species). A force de gigs, souvent prestigieux (avec Mastodon, High On Fire, Church Of Misery ou bien encore Sourvein), toujours instructifs, le quatuor a peu à peu forgé son armure sonore, dont le verni stoner tend de plus en plus à s’écailler pour être remplacé par un ramage moins évident, plus orginal aussi.
De fait, quel chemin parcouru depuis ces débuts ! On s’en rend compte avec ce premier galop d’essai. Déjà l’esthétique a changé ; les atourts fleurant bon le ketchup US a laissé la place à un concept bien plus sombre. Marécageux. Saluons d’ailleurs au passage le remarquable travail de Chimère Noire. Maladroitement rattaché à la scène post rock qui a le vent en poupe actuellement, Caldera ne noue pourtant que bien peu d’attaches avec des groupes tels que Pelican ou Red Sparowes, si ce n’est le format garanti 100 % instrumental retenu. Et si influences il y a, elles affleurent plus (parfois) qu’elles ne structurent véritablement l’édifice. Et elles sont plus à rechercher vers des contrées à priori lointaines. On pense par moment au Anathema des débuts (l’unique !), à Solstice voire dans une moindre mesure à Mastodon pour certaines harmonies de guitares.
Les Lorrains érigent un art hybride alliant l’énergie salvatrice du pur heavy metal au désespoir le plus vertigineux qui les conduit, plus le disque progresse, aux confins du doom, comme l’illustre la longue marche funèbre terminale qu’est le ténébreux "Dawn Redwood". Denses et s’arc-boutant sur une assise rythmique à la fois granitique et groovy, tous les morceaux maîtrisent l’art de la montée en puissance (notamment le gigantesque “ White Pine ”, orgasme de vibrations négatives et sans doute le meilleur du lot), conduit par des grattes incandescentes, véritable vigies guidant le navire, quand bien même elles suintent une tristesse infinie ("Coast Redwood", "Wollemia").
Mist Through Your Consciousness ouvre sur un lendemain que l’on devine passionnant, surtout si Caldera continue de s’affranchir de tous les carcans pour tracer un payage unique et insaisissable et parvient à matérialiser la puissance dont il est capable sur scène, seul (très léger) bémol d’un album des plus prometteurs.