Malgré une fin de parcours des plus mitigées, entre albums en pilotage automique (Defective Epitaph) et réveil tardif (Portal Of Sorrow), il n’en ai pas moins vrai que Xasthur est devenu une référence incontestée au sein de la chapelle noire dont il a exalté les sentiments les plus dépressifs. Se nourrissant de l’humus burzumien, l’Américain a créé des émules, notamment en Australie. Moon, qui ne faut surtout pas confondre avec son médiocre homologue polonais, rejoint donc cette cohorte de kangourous misanthropes ayant un peu trop tété les seins des Nocturnal Poisoning et autre To Violate The Oblivious. Il suffit de poser une oreille sur des complaintes telles que "Beneath" ou "Forest Samhain", extraites de Caduceus Chalice, pour constater le tribut que le solitaire doit à l’œuvre de Malefic.
Moon, c’est un peu toute la magie du Black Metal dépressif qui fait de la répétition hypnotique un art, la magie d’une face de ghoule peinturlurée prenant la pose en tirant la gueule sur une photo granuleuse en noir et blanc ou bien celle de ce son pollué et étouffé. C’est un peu toujours la même chose mais on marche, on se laisse engourdir par ces rythmes paresseux, ces riffs minimalistes et cette voix de gargouille lointaine. Cela ne s’explique pas, voilà tout. Déjà auteur comme souvent dans ce charnier sonore, d’une multitude de petits travaux divers (démos, EP, split…), l’entité régurgite avec Caduceus Chalice un premier méfait gigantesque de noirceur et de décrépitude qui, en six plaintes autistes à l'atmosphère charbonneuse, dont la dernière voisine avec les 20 minutes, réussit à appuyer sur l’interrupteur et à avaler tout ce qui l’entoure avec un sens de dépression tout à fait admirable.
S’il ne rechigne pas à passer de temps à autre la seconde, c’est le plus souvent à la vitesse d’une limace somnanbulique qu’il avance, instaurant ainsi un climat vicié qui étouffe autant qu’il envoûte. Le cryptique "Chalice", qui semble réellement avoir été enfanté au milieu des ténèbres, est d’une telle lenteur moribonde, qu’il confine à une forme de négation rythmique. Ce faisant, Moon y pousse à son paroxysme la notion de lanscinance et de désespoir, l’arrimant davantage au Funeral Doom qu’au pur Black Metal. Cette plainte a quelque chose d’un lent poison qu’on inocule dans les veines. Et pourtant, encore une fois, une vraie beauté, morbide certes, peut être décelée dans ces nappes aux accents funéraires. De ces riffs grésillants, maladifs et pétrifiée, jaillit un éclat sinistre.
Espéré depuis longtemps, Caduceus Chalice confirme la haute teneur nocive en ondes noires de ce one-man Band qui y tient toutes les sombres promesses qu’avaient suscité ses séminales offrandes. Suicidaires, soyez les bienvenus…