Si, lorsque nous avions quinze ans, ils nous ont bien fait marrer, tous ces groupes estampillés "Hair-Metal", maquillés et gaulés comme des gonzesses, à les (re)découvrir vingt ans plus tard, on mesure combien, souvent, ils ne plaisantaient pourtant pas vraiment, auteurs d’albums solides dont certains ont traversé les épreuves du temps avec une classe qu’on ne leur aurait pas prédit.
C’est le cas de Warrant qui, bien qu’entré dans la course comme ses confrères au milieu des années 80, aura finalement dû patienter jusqu'à la fin de la décennie pour goûter au fruit d’un succès dont il n’aura pas pu profiter longtemps, ses deux disques les plus fameux, Dirty Rotten Filthy Stinking Rich (1989) et Cherry Pie précédant de peu la tornade Grunge qui balayera tel un fétu de paille les tenants d’un (Hard) Rock mélodique qui pourtant lui survivra mais incitant les groupes à s’adapter à cette (r)évolution, comme cela sera le cas avec le Dog Eat Dog du combo de Jani Lane.
Mais en septembre 1990, Warrant savoure encore le succès de son premier opus et se prépare à en faire de même avec son successeur, qui réussit l’exploit alors même qu’il est offert au public à une période particulièrement chargée où Painkiller (Judas Priest), No Prayer For The Dying (Iron Maiden) ou Rust In Peace (Megadeth) se tirent la bourre, dans un secteur certes plus Heavy, de s’imposer d’entrée de jeu. D’aucuns le considèrent – à raison – comme l’œuvre la plus aboutie des Américains, faisant mieux que transformer un galop d’essai aux pourtant nombreuses qualités.
Enrobé de nouveau par Beau Hill, alors producteur emblématique de cette scène Glam/Hair Metal, Cherry Pie se fait remarquer pour plusieurs raisons. Pour sa délicieuse pochette au subtil parfum sexuel, pour ses trois singles, dont le célèbre titre éponyme à l’inoubliable refrain et la ballade (obligée) "I Saw Red", pour ses textes (forcément) orientés sur le sexe ("Love In Stereo") mais pouvant aussi aborder des questions plus sérieuses ("Blind Faith" par exemple), pour son message adressé directement à la charmante Tipper Gore qui lui valut d’ailleurs l’avertissement « Parental Advisory », dont l’épouse du vice-président des Etats-Unis fut à l’origine. Pour sa brochette d’invités également, croisant la guitare de C.C. DeVille (Poison) sur "Cherry Pie" ou Bruno Ravel de Danger Danger. Pour ces discrètes touches sudistes enfin, qu’illustrent l’intro à la slide poisseuse de "Uncle Tom’s Cabin" et bien entendu la reprise de Blackfoot, l’énergique "Train Train". N’oublions pas non plus de souligner l'impeccable performance des musiciens qui participe de la faculté de cet album à traverser les années. Jani Lane impressionne notamment avec son organe (vocal…) qui exsude juste ce qu’il faut de rugosité.
Un (vrai) bon disque reste un bon disque, quoiqu’il arrive. Varié et tout simplement fun, Cherry Pie en constitue un bon exemple. Il incarne aussi – déjà – la fin d’une époque. Son successeur, Dog Eat Dog, bien que toujours de bonne qualité, amorcera un virage plus dur, vierge de cette insouciance et que confirme l’embauche de Michael Waggener pour mitonner une production dans le cadre – étonnant – du Morrisound Studio, alors temple du Death Metal floridien !