Comment ouvrir le ban sur l’un des emblèmes de la scène pop des années 80 ? Et qui plus est, toujours en activité à l’heure d’aujourd’hui ? Alphaville, formation germanique qui fera d’emblée le choix stratégique de l’anglais pour ses vocalises, s’installe résolument dans un registre synthpop qui ne se démentira guère, tout au long de la discographie. Sa musique sera sans détour accusée d’accointances avec la Disco-pop, et les sacro-saints commandements de la bande FM. Et il est vrai que si bon nombre d’artistes à cette époque ont assez vite évolué vers le Rock, Marian Gold, Bernhard Lloyd (et Ricky Echolette, remplaçant Frank Mertens aussitôt après ce premier album) auront maintenu le cap d’un writing fougueusement épique et d’une sonorité décapée au blanc d’Espagne. Ne cherchez pas ici les assauts rocailleux de guitares punk ou autres psychotropes hallucinogènes de six cordes à la Pink Floyd… Ce serait peine perdue.
Alors, en quoi consiste la recette du succès ? La réponse tient en une phrase : le vocal impérial de Marian Gold, proprement habité par la passion, capable de couvrir une gamme tonale exceptionnelle, et une qualité de composition et d’arrangements tout bonnement sidérante. Dès les premiers moments de 'Victory Of Love', on s’aperçoit que le credo des Allemands n’est pas celui d’une synthpop de ritournelles kilométriques. En s’attardant sur 'To Germany With Love', on finira subjugué par le chassé-croisé de la batterie, des vocalises, de claviers fantomatiques et de bruitages aux accents épouvantés. Et qui aura oublié le tubesque et sentencieux 'Big In Japan' (s’étant très rapidement classé n°1, ou dans les premières places de la plupart des charts européens), ou encore la mélodie du titre éponyme, clôturée d’un cérémonial de cuivres parmi les plus célestes que le genre musical ait pu compter ? Ce slow mythique fut également (et superbement) décliné en version Dance, et excusez du peu, maxi 45 tours, pour le plus grand bonheur des aficionados de rythmiques disco.
L’album ne tarira plus de talents mélodiques et sonores, passant par le bien nommé 'Sounds Like A Melody', alliant tous les points forts et déchaînant un véritable déluge de sensations symphoniques, jusqu’au très éclairé 'Jet Set', un splendide élan festif, mais tout en finesse narrative, jonglant sur la multitude de registres vocaux de Marian Gold.
S’il fallait émettre une réserve ? On pourrait notifier le formatage de la rythmique, très uniforme, et affublée par ailleurs d’une sonorité un peu sèche, façon boîte à rythme. Ce qui limitera l’appréciation chiffrée à ce sévère 8,5/10. Mais à l’image (et aux paroles !) du diluvien 'Fallen Angel', (comprendre, en terme d’emphase romantique), la musique de "Forever Young" est une pluie d’émotions addictives et euphorisantes : She’s an invader, She’s from another world… Les clips ont certes pris un petit coup de vieux, mais quelle farouche vitalité dans cette musique… Jeune pour toujours !