Quand bien même Pale Folklore et The Mantle furent de précieuses réussites artistiques, il n’en demeure pas moins que c’est bien Ashes Against The Grain qui fut sans doute l’étape la plus décisive dans la carrière d’Agalloch. Corollaire d’une promotion amplement méritée, son successeur était attendu comme le messie et nous étions nombreux à ne plus tenir en place depuis l’annonce de sa réalisation après néanmoins quatre années bien remplies, entre tournées et offrandes complémentaires (EP, live, compilations).
Habillé d'un très bel artwork, Marrow Of The Spirit reste fidèle à une architecture exigeante, basée sur des compositions fleuves et poursuit une évolution entamée avec The Mantle. Même si leur écriture demeure immédiatement reconnaissable, les Américains continuent de travailler leur art, d’enrichir leur palette par petites touches. Ni retour en arrière vers des racines Black Metal qui ne font plus guère qu’affleurer à la surface ni simple photocopie de son prédécesseur dans le sillage duquel il s’inscrit, ce quatrième album se veut différent dans la continuité.
Toujours arrimé aux terres de la Dark/Folk tout en se montrant de plus en plus progressif dans son approche, Agalloch commence ce nouveau voyage par un prologue instrumental d’abord rythmé par les sons de la nature avant de vibrer aux accords d’un violon dramatique. Mais c’est avec le flamboyant "Into The Painted Grey" que Marrow Of The Spirit prend son envol. Tout l’art des Américains y est synthétisé : construction épique et fluide aux multiples arabesques, chant caverneux, guitares stratosphériques belles comme un chat qui dort, accélération grandiose… D’une certaine manière et en exagérant un peu, l’opus ne proposerait que cette pépite de douze minutes qu’il serait tout de même indispensable.
Plus posé, "The Watcher’s Monolith" tend un pont entre ambiances acoustiques et aplats noirs et terreux, que pilotent des riffs accrocheurs. Pivot de l’album et illustration parfaite des couleurs automnales et terrestres de l‘ensemble, le gigantesque "Black Lake Nidsang" se divise en deux parties, dont la seconde baigne dans un marais ambient. Après "Ghosts Of Midwinter Fires", "To Drown" entraîne Marrow Of The Spirit vers la mort avec sa trame instrumentale et osseuse, lente montée en puissance au bord de la rupture et conclusion désespérée dont les ultimes mesurent qui reprennent les sonorités de l’intro, contribue à donner une forme cyclique à cette œuvre dense et riche entre recueillement et envolée granuleuse.
Encore une fois, Agalloch livre un bijou d’écriture et d’atmosphères, peinture en clair obscur d'une nature à la beauté mystique. Cependant, Ashes Against The Grain reste encore le mètre-étalon de la discographie du groupe.