Quoi qu’on en pense, certains affirmant ainsi que les meilleurs albums sont aussi ceux qui arborent les traits les plus simples, une pochette revêt toujours une importance et ce, quelle que soit sa beauté. Prenons par exemple celle habillant Bluostar, première offrande longue durée de Fyrnask, que précédait toutefois une démo aux allures d’opus à part entière, son visuel, intriguant où figure une tête dont les orifices oculaires semblent vomir une cascade de cheveux, fournit d’emblée un indice précieux quant à la teneur de ce disque dont on sait déjà qu’il ne sera pas tout à fait un simple méfait de plus au sein de la production courante du Black Metal. A raison.
Ce que confirme d’autre part le prologue "At Fornu Fari" qui résonne comme les prémices d’un rituel aussi étrange qu’inquiétant. Et lorsque déboule le tout d’abord furieux "Evige Stier" et ses blasts déchaînés qui très vite emprunte un chemin moins balisé, ouvrant sur des paysages plus contemplatifs ou suspendus au dessus d’un profond ravin grâce à une guitare ferrugineuse et un chant clair évoquant les psalmodies d’un shaman, on mesure qu’on tient bien là une perle noire, un de ces joyaux qui paraissent (presque) provenir de nulle part. Traversé de multiples aplats terreux, ce titre, du haut de sa dizaine de minutes, se révèle d’une plus grande richesse que certains albums entiers.
Balisé par de plus ou moins courts intermèdes aux accents incantatoires ("Eit Fjell Av Jern"…), Bluostar poursuit ensuite sa route escarpée mais passionnante à suivre, enchaînant les longues échappées qui conjuguent la sévérité du Black Metal teutonique (on pense parfois à Farsot et à sa pierre angulaire IIII) à la beauté nordique et mythologique. Chacune d’entre elle a quelque chose d’une traversée tumultueuse, à la fois rapide comme un torrent en crue mais toujours fissurée par de longs instants où le temps semble s’arrêter, le musicien libèrant alors des ondes noires mais néanmoins magnifiques et mystérieuses, témoin ce "Bergar" qui ne prend son envol qu’àprès quatre minutes instrumentales minimalistes et répétitives égrenée par des accords grésillants.
Avec intelligence et beaucoup de finesse, le germanique parvient à faire œuvre sinon originale au moins personnelle sans pour autant effacer les racines abrasives qui font de Bluostar un pur album de Black Metal et pas uniquement une exploration évolutive et molle en négativité et ce malgré à la fois un sens de la mélodie qui affleure constamment à la surface de ce substrat minéral ("Ins Fenn") et une manière de travailler, de façonner le genre qui pourrait le rattacher à une quelconque – bien qu’assez lointaine - démarche progressiste.
Ni atmosphérique ni païen ni vraiment brutal et haineux mais pourtant un peu tout cela à la fois, Bluostar distille une puissance séculaire teintée d’une froide mélancolie et possède un pouvoir d’évocation immense en cela qu’il fait défiler chez celui qui l’écoute, des images fortes qui le hanteront longtemps après. Sombres et belles, chacune de ses compositions s’ouvre sur de vastes paysages figés par l’hiver et magnifient à leur manière, dépouillée et austère, la majesté triste de la nature. Excellent surprise, déjà préparée il est vrai par Fjorvar Ok Benjar dont il amplifie le style, Bluostar devrait imposer Fyrnask comme un des artistes de l’art noir les plus riches apparus récemment.