Toujours aussi fantasmées et source d'inspiration inépuisable, les années 60 et 70 constituent actuellement le combustible d'une scène - le rock psyché -parmi les plus inventives du moment. Les plus jouissives également. Earthless, The Atomic Bitchwax ou Carlton Melton sont les noms de ces nouveaux hérauts du son biberonné aux effluves seventies, Tee Pee records ou Elekrohash, leurs nouveaux temples et le Roadburn, leur lieu de pélerinage.
Venu de Hollande, Sungrazer est encore un gamin mais Mirador prouve qu'il a bientôt atteint sa maturité et que le talent n'est pas toujours proportionnel au nombre des années. Power-trio comme la fin des sixties les affectionnait tant et ayant judicieusement choisi de ne pas miser sur la formule 100% instrumentale, laquelle représente souvent la norme dans la déclinaison actuelle du genre, le groupe y reprend les choses là où il les avait laissées avec son premier rôt éponyme, soit quelque part entre le rock Pysché cosmique et le Stoner Doom enfumé.
Si le chant arrime fortement Sungrazer aux années 60, témoin ce "Wild Goose" en ouverture et tout en couleurs chatoyantes, la section rythmique incarnée par une guitare et une basse épaisses et graisseuses, évoquera davantage la décade suivante, même si la batterie groovy et délicate infirme quelque peu cette référence. De fait, certaines compos n'ont rien à envier en terme de lourdeur du riff aux métallurgistes du heavy, à l'image de "Mirador", orgasme électrique en forme de feu d'artifice et de l'instrumental "Octo", étonnament placé en seconde position, et qui décolle très haut dans la stratopshère lors de sa seconde partie. Tout y est pourtant résumé en à peine trois minutes, sens de la synthèse qui distingue les Bataves et leur permet de briser un apriori tenace qui veut que psychédélisme ne rime qu'avec longues échappées aux allures de jams interminables sous acide.
Et s'ils leur arrivent d'illustrer cette idée reçue et cela de la plus flamboyante des manières grâce aux gigantesques "Sea" et plus encore "Behind", rampe de lancement de plus de 13 minutes au compteur, les voyant galoper et tricoter une toile contoneuse passionnante tout du long, les trois musiciens savent écrire de vrais chansons répondant à un format plus classique.
Véritable espoir de la scène psyché, ce qu'il fait plus que confirmer avec cette seconde exploration, Sungrazer rassemble le meilleur des années 60 et 70 car il conserve de ces deux époques à la fois les lignes vocales doucereuses et les riffs tour à tour pachydermiques ou planants, le tout avec ce sens du feeling conjuguant accroche et délicatesse de trait. Mirador transforme l'essai et ouvre pour ses auteurs un ciel dégagé dont on voit mal ce qui pourrait les empêcher de pousuivre leur ascension car ils sont déjà détenteurs d'une réelle personnalité, ne se contentant pas de recopier leurs aînés et encore moins leurs concurrents !