Si son nom peut prêter à sourire, Pyrrhon n’est pourtant pas vraiment là pour rigoler. Originaire de Brooklyn et ayant perdu son pucelage depuis peu, le jeune groupe accouche avec An Excellent Servant But A Terrible Master d’un premier méfait - toutefois préparé par l’amuse-gueule Fever Kingdoms - qui n’est jamais trahi par le peu d’expérience de ses géniteurs. En effet, ces derniers pourraient nous faire croire qu’ils sont des musiciens chevronnés tant ils ont choisi de façonner un genre d’obédience ultra technique loin d’être le plus simple à pratiquer.
Reposant sur un maillage serré et dense comme la population du Japon, l’album est touffu, avalant les minutes de manière implacable. Et s’il commence tout d’abord par aligner comme des pinces à linge sur un fil la plupart des invariants propres à cette sous-chapelle, à savoir insolence technique étalée par des musiciens (forcément) aguerris, compositions complexes que déchirent de multiples aplats et autres cassures rythmiques les rendant parfois peu aisées à suivre à l’image de "Gamma Knife" par exemple et tension qui se répand tout du long, Pyrrhon fait néanmoins montre d’une volonté d’affranchissement intéressante.
Ce refus d’être inféodé aux canons du Techno Death comme on le nommait il y a vingt ans ou du Death progressif aujourd’hui, s’exprime de plusieurs manières. D’une part grâce à une virtuosité qui n’étouffe jamais la violence inouie du propos ni le souci de soigner des ambiances parfois franchement malsaines, témoin l’infernal "New Parasite" qui placé en ouverture et du haut de ses plus de sept minutes au compteur donne le "La" d’une œuvre écrasée par une noirceur poisseuse. D’autre part et corrolaire de cette aptitude émotionnelle, en faisant parfois plus que braconner sur les terres du Black Metal avec lequel certains titres partagent une brutalité sale, organique et tentaculaire identique.
On pense surtout aux deux pistes terminales, succédant à une première partie plus conventionnelle bien qu’au demeurant nerveuse et ultra efficace. "Flesh Isolation Chamber", qui dégage une atmosphère viciée et croupissante, puis enfin "A Terrible Master", tentative – réussie - d’accoupler technicité et modelés déglingés, lesquels ne sont pas sans évoquer les turbulures tortueuses de l’art noir développé par un Deathspell Omega, définissent ainsi une approche plus personnelle dont on espère qu’elle nourrira l’écriture future d’une formation encore en gestation mais qui a déjà compris qu’il ne sert à rien de verser dans la démonstration stérile sans âme et que la maîtrise technique n’exonère pas de pouvoir montrer les crocs quand il est nécessaire.
Voilà dans tous les cas un galop d’essai de très bonne facture, loin des maladresses qui accompagnent généralement les premières fois.