Ceux qui ont perdu de vue Incubus la décennie dernière, au sommet de leur compétence en matière de funk metal après avoir aligné deux classiques du genre avec "S.C.I.E.N.C.E. " puis "Make Yourself", seraient étonnés de voir ce que sont devenus leur vieux potes. D’autant que la transformation opérée dès les premières émanations de rock alternatif du "Morning View" qui leur succéda, bien loin des pérégrinations funk des premiers méfaits, connut un succès qui ne se fit pas attendre. S’en est suivie une lente mais sûre mutation d’un ensemble qui a mûri, s’est apaisé, et qui préfère désormais raconter les choses calmement. "If Not Now, When ?" à ce titre n’est que la suite logique de cet élan vers le ralentissement.
Le titre éponyme, introduisant ce questionnement, n’ira par conséquent sûrement pas dans le sens des amoureux des premières heures, le combo californien posant une nouvelle fois les jalons pop-rock vers une sérénité retrouvée, du moins en façade, depuis "Light Grenade". Atmosphère de road movie où les personnages voudraient voir les conventions éclater en morceaux, un sentiment bassement adolescent mais que chacun ressent finalement de temps à autre.
Alors Incubus affiche douze fois cette quiétude que la maturité permet, il prend son temps, sans brusquer les choses. Ou presque si l’on omet ce vieux reflexe groovy rock alternatif au couplet rappé ("Switchblade").j Autrement, le ton donné dès "If Not Now When ?" (Brandon Boyd en profitant pour faire taire, dès le début, les mauvaises langues médisant sur ses capacités vocales), attestant que la formation a pris de la bouteille et une certaine sagesse, et perduré avec "Defiance", morceau chant-guitare sèche, n’en finira toujours pas sur "Tomorrow’s Food" et son superbe final donnant cette impression que le temps s’est arrêté. Le quintet voit les choses autrement et se plait à le faire savoir. Si pas maintenant, quand ? Il est avant tout question de ça.
Plus qu’une rupture, il s’agit donc d’une évolution, mais pas si frappante au regard du lien de parenté évident avec le précédent album. "Thieves" ou "In The Company Of Wolves" pour ne citer qu’eux auraient déjà pu exploser grâce à la Grenade Légère. Pourtant tout est fait pour assombrir une fois encore le visage des nostalgiques des fresques funky des natifs de Calabasas, ou ne serait-ce que de rembrunir ceux qui ne souhaitent pas voir tomber le groupe dans une (trop) forte introspection. La pochette du funambule sur un fil n’est à ce titre peut-être pas si anodine.
"If Not Now, When ?" n’est donc pas l’album de la conciliation mais il est à l’image de leur discographie, d’un grand mépris pour la médiocrité. Il faudra s’y faire, Incubus a changé de visage, mais il ne semble pas si déplaisant, loin de là.