Si The Gates et Temple Forest, les deux autres travaux secondaires de Hate Forest ayant droit aujourd'hui à une (ré)édition en vinyle comme s'il s'agissait de véritables albums, ce qu'ils ne sont bien entendu pas, illustrent respectivement le visage épique et Ambient du défunt groupuscule ukrainien, The Curse quant à lui nous dévoile le côté le plus primaire de la bête, trait brutal que renforce encore davantage le son très cru que la chose arbore, démo oblige !
Plus que son intérêt musical, son contenu ayant par la suite servi à remplir The Most Ancient Ones (2001), première opuscule officiel de la mystérieuse entité et se trouvant donc connu de tous, c'est son aspect historique qui lui confère sa valeur en cela qu'il forme avec Scythia (1999), Darkness (2000), The Gates, Ritual et Blood & Fire (tous les trois gravés en 2001), le terreau qui servira à Hate Forest pour proliférer et forger un art extrêmement personnel. Avec le fidèle Thurios (chant et guitare) ainsi que le batteur Khaoth, Roman Saenko y creuse le socle de ce Black Metal barbare, haineux, porteur d'un mal séculaire et primitif qui ne tardera pas à exploser et ce faisant à l'imposer comme le héraut de cette chapelle impie d'Europe de l'Est.
Sans concessions, sans grands moyens ni affèteries, le groupe retrouve l'énergie noire en même temps que l'esprit qui guidèrent une dizaine d'années auparavant les Grands Anciens, moins norvégiens d'ailleurs que polonais, ces démos à la cuirasse sonore sale et rudimentaire évoquant davantage les premiers méfaits d'un Graveland (In The Glare Of Burning Churches par exemple) incapable depuis de renouveler son art désormais plus épique que ténébreux.
Ces huit saillies (plus un titre bonus, "Cold Of The Grave", comme pour tenter d'augmenter la valeur ajoutée d'un objet qui n'en a de toute façon guère besoin), palpitent, grondent d'une puissance souterraine et obscure libérant le fluide du Mal Absolu, lequel s'exprime par l'entremise d'un chant râpeux bouillonnant de haine et volontairement écrasé, étouffé même, tandis que guitares, basse et batterie dressent un blockhaus grésillant, pollué, rapide la plupart du temps, ou plus rampant ("The Curse") mais toujours malsain.
The Curse est donc un document d'histoire, quand bien même Hate Forest atteindra par la suite un autre niveau, une autre démesure dans la violence épidermique, laquelle trouvera son apothéose avec le démentiel Sorrow, sans doute l'un des disques de Black Metal les plus fielleux et définitifs ayant jamais été enfantés, la version démo de "Cold From The Grave", est là pour en témoigner. Les racines du mal en quelque sorte...