C'est de manière posthume que sort la dernière valse Jazzy de Jeff Healey. Deux années après son départ, le très justement nommé "Last Call" vient mettre un point final à la superbe série Early Jazz de cet artiste hors norme. La formule reste la même (sauf que cette fois-ci la section rythmique est absente, laissant place à un trio se partageant cuivre, piano, violon et guitare), à savoir des reprises de standards du Jazz du début du siècle, traditionnel et Ragtime, que Jeff Healey est allé piocher dans sa grande collection personnelle de vinyles.
On y retrouve bien entendu le Jazz lumineux et très Nouvelle Orléans des albums précédents tel l'opener rehaussé d'un joli scat d'Healey, mais aussi le final "Some Of These Days", "You Can't Pull The Wool I Over My Eyes" ou "I'm Gonna Sit…" dynamiques, ensoleillés, gavés de trompettes et au charme très 30's. Mais cet ultime album est aussi l'occasion de découvrir un Jeff Healey très intimiste et touchant. Ainsi, "Time On My Hands" voit par exemple dès le début de l'album Jeff dérouler une ambiance piano/voix délicate et nostalgique qu'un solo de guitare acoustique vient magnifier. Trois autres titres, sous forme de duo piano/voix, viennent colorer "Last Call" de pourpre, dont le fameux "Deep Purple" de Derose et Parish, tout en retenue et qui plaisait tant à la grand-mère de Ritchie Blackmore, "Autumn In New York", languissant et tellement approprié, ou encore la douce "Laura" (en écoute ci-dessous) qui se pare de guitare pour un final de velours.
Au rayon nouveauté, car elles sont nombreuses ici, (mais l'unité et la magie restent là) Healey nous offre un superbe "Hong Kong Blues" bluesy aux accents bluegrass qui n'aurait pas juré sur un album Blues du Monsieur (bien que totalement acoustique) et des instrumentaux mettant le violon de Drew Jurecka au premier plan comme sur "The Wild Cat" qui débute par une mélodie véloce, ou "Black And Blue Bottom", tous deux portés par des guitares manouches. Autre moment remarquable, qui fera le bonheur des amoureux de la guitare ce coup-ci, "Guitar Duet Stomp" est un autre instrumental qui se partage, par de délicieuses transitions, entre virtuosité jazzy et douceur cajun.
Cette compilation des derniers enregistrements de Jeff Healey ne donne pas dans le mélo ou l'emboitage facile de fonds de tiroirs, Non ! "Last Call", très bien produit, au son de plus en plus rond et chaud, se veut sans doute l'album le plus varié et riche en émotion de la série. Il n'aurait peut être pas été bien différent si Jeff l'avait sorti de son vivant. Passant de la joie la plus complète à la nostalgie la plus sincère avec une grâce unique, "Last Call" est tout bonnement indispensable!