Si le nom de Memories Of Machines ne vous est pas familier, rien d'étonnant à cela. Bien que le groupe se soit formé en 2006, il aura fallu attendre l'année 2011 pour voir l'apparition de leur premier album "Warm Winter". Cependant, les deux membres qui le constituent sont loin d'être des novices. Tim Bowness (chant) officie également en duo avec Steven Wilson au sein de No-Man. Quant à Giancarlo Erra (claviers, guitares), c'est le créateur-leader du groupe italien Nosound. Quand le leader d'un groupe de rock atmosphérique rencontre le chanteur d'un groupe atmosphérique, ils font … de la musique atmosphérique.
Car ce side project ne sert pas d'exutoire aux deux hommes pour extérioriser le côté bestial qui se tapirait au fond de leur âme par un bon gros son métal émaillé de grunts bien sentis. Et même s'il serait exagéré de cantonner la musique de No-Man et Nosound à un seul style musical, il faut bien reconnaître que l'atmosphère générale se rapproche plus du post-rock ou de l'ambient que du hard rock.
Memories Of Machines explore donc sans complexe les territoires glacés et languides d'un rock atmosphérique mélancolique. Et il le fait très bien. En effet, le risque est grand dans ce genre musical de tomber dans une certaine monotonie qui, associée à un tempo lent et à une douceur de rigueur, plonge l'auditeur dans une béate somnolence, ou pire dans un indicible ennui. Memories Of Machines évite adroitement l'écueil par le soin du détail qu'il apporte à ses compositions.
Pourtant la base de ses titres est rigoureusement identique tout du long de ce disque : des nappes de claviers tapissent le fond sonore sur lequel une guitare acoustique est mise en relief, alternant accords frappés et arpèges. Puis le chant se superpose à cet ensemble, un chant triste et doux, intériorisé mais prenant, accrocheur, qui dégage un spleen irrésistible. Enfin, certains titres se gorgent d'une énergie mesurée grâce à l'apport d'une batterie et d'une basse aussi efficaces que discrètes. Ce qui fait le charme et l'intérêt de cette musique, ce sont tous les détails qui viennent s'accrocher à cette structure : un solo de guitare électrique de-ci, de-là, quelques traits de violoncelle ('Beautiful Songs You Should Know', 'At The Centre Of It All'), un soupçon de chœurs féminins, de parcimonieuses notes de piano ('Something In Our Lives'), une trompette désabusée ('Lost And Found In The Digital World') ou un délicat saxo ('Schoolyard Ghosts'), pour n'en citer que quelques uns. Il s'en dégage une beauté majestueuse et éthérée laissant au fond du cœur une poignante mélancolie.
Un coup d'œil sur les invités révèlent quelques pointures : Steven Wilson qui, outre ses contributions à la guitare et aux claviers, a également effectué le mixage du disque, mais aussi le temps d'une courte apparition sur un titre Robert Fripp ('Lost And Found In The Digital World') ou encore Peter Hammill ('At The Centre Of It All') pour ne citer que les plus célèbres. Curieusement, leur empreinte transparaît plus dans l'atmosphère des titres auxquels ils contribuent que par leur intervention instrumentale stricto sensu, comme si une osmose s'était naturellement instaurée entre le groupe et ses invités. Si vous avez aimé les œuvres les plus atmosphériques de ces parrains prestigieux, alors nul doute que vous apprécierez les ambiances fantomatiques de "Warm Winter".