On ne présente plus monsieur Hackett et son impressionnante discographie, mais chaque nouvel album est toujours un petit événement dans le milieu du rock progressif. Chacun s'interroge sur le style que l'ancien guitariste de Genesis va donner à ses nouvelles créations. Va-t-il nous revenir avec l'orientation classique acoustique de "Tribute" ou continuer dans le créneau rock de "Out Of The Tunnel's Mouth" ? Au risque de ne pas ménager le suspens, nous pouvons affirmer que c'est la deuxième option qui prévaut pour "Beyond The Shrouded Horizon".
Le noyau dur du line up reste identique à celui du précédent opus et Chris Squire (Yes) fait également quelques apparitions avec sa basse si reconnaissable. Au rang des invités prestigieux, un Phillips en remplace un autre, puisque Simon intervient à la batterie sur deux titres (Anthony jouait de la douze cordes sur "Out Of The Tunnel's Mouth"). Il ressort, dès les premières minutes d'écoute, une impression de grand cohérence, surement due à une intégration parfaite de l'exubérant Nick Beggs (basses) et de la charmante Amanda Lehmann (guitare et chant). Ceux qui auront eu le bonheur d'assister aux concerts de la tournée (qui passait par la France les 8 et 9 octobre) auront pu constater à quel point la complicité des musiciens est manifeste.
13 titres se partagent un album sans longue pièce épique, avec des durées allant de 0'44 à 6'50, quasiment des formats 'chanson' ! Seule l'ultime piste "Turn This Island Earth" avec ses 11'50 et sa construction 'à tiroirs' nous rappelle que Steve Hackett est aussi un compositeur de rock progressif. Mais ne nous y trompons pas, les enchainements fréquents de deux, et même trois plages, donnent une structure plus liée à l'album. Ainsi, le thème du premier et excellent titre, "Loch Lomond", est repris dans l'instrumental "The Phoenix Flown", occasion pour mister Hackett de nous faire la démonstration, s'il en était besoin, de son toucher et de son feeling.
Passons rapidement sur "Til The Eyes" (introduit par le court instrumental acoustique "Wanderlust") et "Between The Sunset ..." qui sont deux ballades, certes finement interprétées, mais d'un intérêt mineur, pour nous concentrer sur les petits joyaux qui nous sont offerts ici. La paire "Prairie Angel" (instru) et "A Place Called Freedom" débute, dans le premier titre, comme une ballade qui devient plus rock afin de passer le relais à une composition où des influences folk pointent en filigranes. Encore une fois, les amateurs du son chaud de la guitare hacketienne se régaleront des quelques superbes soli qui parsèment cette plage.
Hautement recommandable également, la suite "Walking To Life" et "Two Faces Of Cairo" (instru) dont l'atmosphère orientale incite à une rêverie rythmée par le chant féminin et les accents envoûtant du violon et du violoncelle. Surprenant et, au final, juste prenant, le blues "Catwalk", rythmé par une batterie presque 'bonhamienne', une composition que l'on sent bien taillée pour la scène. Et, telle une conclusion du meilleur aloi, le presque épique "Turn This Island Earth" où s'enchainent, se mélangent, se répondent une multitude d'atmosphères et une multitude de sonorités. Des orchestrations symphoniques croisent l'intimité d'une guitare acoustique, de légers relents de space-rock se mêlent à du néo-progressif ... pour résumer en trois mots, un final grandiose !
Bel album donc, fort recommandable, d'autant plus que le packaging est de qualité et fort agréable avec ses lyrics commentés par Steve Hackett; Ainsi on y apprend que "Prairie Angel" a été inspiré par le livre "Sur la route" de Jack Kerouac, et "Looking For Fantasy" par un concert de Jimmy Hendrix qui n'a eu lieu que dans les rêves de mister Hackett.