Eldritch n’est pas un nouveau venu sur la scène Metal Prog européenne. Les italiens ont sorti du four leur première galette en 1995, proposant une musique progressive technique, aux nombreux breaks et interventions aux claviers, proches de Dream Theater à ses débuts, mais avec un accent plus métal (Queensryche, Fates Warning). Cette orientation va d’ailleurs se développer au fil des albums, mettant la pression vers un power metal parfois à la limite du thrash.
Avec ce nouvel album, le huitième, Eldritch redonne une place prépondérante aux claviers (tenus par un petit nouveau, Gabriele Caselli) et tente de renouer avec son aspect le plus mélodieux. "Our Land" est à cet égard très efficace et pourrait bénéficier d’un passage radio si celle-ci s’intéressait encore un peu au métal. D’autres envolées mélodiques se retrouvent sur "Signs" particulièrement sur le très beau "Mother Earth". La plupart des titres sont soutenus par un mur rythmique impressionnant, même lorsque la ligne vocale se fait plus lente ("Everything’s Burn"). Les riffs sont aussi nombreux qu’imprévisibles, et plutôt techniques ; le plus souvent ils sont percutants et efficaces, comme ceux qui pleuvent sur "Vortex Of Disasters".
La guitare n’est pas en reste et sans vouloir jouer au shredder, Eugene Simone peut former un duo très efficace avec les claviers, comme sur le très bon "Thinning Out". Quelques soli ponctuent aussi la plupart des titres en leur ajoutant une saveur que l’on découvre au fil des écoutes. Car il faut pouvoir apprivoiser cet album qui peut paraître un peu linéaire à première écoute. Tout comme il faut appréhender avec prudence la voix de Terence Holler (le seul membre du groupe qui n’est pas italien, il est américain), qui pourrait fatiguer à forte dose. Mais il assure cette fois une belle performance dans un registre oscillant entre Geddy Lee de Rush et Lenny Wolf de Kingdom Come (sur "Vortex Of Disasters").
Citons encore la belle ballade épurée introduite au piano "Thirst In Our Hands" et une reprise, "Through Different Eyes" de Fates Warning, qui prouve qu'Eldritch connaît ses références aussi bien qu’il les digère, car elle pourrait bien être supérieure à l’originale, en déployant un supplément de tension et d’émotion.
Ce très bon album contient peu de points faibles, excepté ce "Thoughts Of Grey" qui peine à atteindre le niveau des meilleurs. L’amateur exigeant pourra tout juste regretter que tous les titres n’aient pas le même impact mélodique que "Our Land" et jouent un peu trop facilement sur l’alternance de tempo rapides et lents ; le métal progressif peut-être plus audacieux ! Quelques envolées lyriques ou symphoniques supplémentaires auraient également participé notre bonheur.
Signalons enfin que cet album est un concept autour du réchauffement climatique ("Global Warming"), inspiré du film d’Al Gore (Vice-Président de Bill Clinton): "An Inconvenient Truth". Certains titres sont d’ailleurs introduits par des extraits vocaux de ce film. Si les métalleux se sensibilisent à cette juste cause, c’est peut-être un pas vers une amélioration de la situation... Qui sait...