Il y a maintenant 10 années que Yann Tiersen, par la grâce de la bande son du formidable Amélie Poulain, voyait son talent révélé au plus grand nombre. Succès amplement mérité tant ses premiers opus, osant le pari d'une instrumentation non conventionnelle aux thèmes répétitifs, et de surcroît quasiment dénués de parties chantées, recelaient de pépites instrumentales, comme autant de petits bonheurs à déguster entre les oreilles. Depuis, pas mal d'eau a coulé sous les ponts, et notre homme, passé par de nombreuses expérimentations, vocales, instrumentales, et un nouveau détour par les B.O., nous revient avec sa nouvelle livraison, Skyline.
Ecrit dans la continuité de l'album précédent, Dust Lane, ce nouvel opus semble désormais assez éloigné de la pseudo-naïveté qui accompagnait les premières expériences du breton. Ainsi, même si Another Shore ouvre l'album en nous proposant sa kyrielle habituelle d'instruments traditionnels (guitare acoustique, cloches), le chorus de guitares saturées qui enrobe l'ensemble nous ramène rapidement vers les rivages d'outre-Manche, ceux fréquentés naguère par un certain Robert Smith et The Cure, période Disintegration. Et ce n'est pas le formidable Forgive Me qui viendra contredire cette tendance forte, sorte de revival inspiré, accommodé à la sauce Tiersen, clochettes et vibraphone en prime.
L'autre performance marquante de cette cuvée 2011, c'est la propension de l'artiste à nous pondre des chansons typiquement britanniques, dans une veine qui ne déparerait pas les productions les plus récentes d'OMD, les mélodies imparables aux thèmes répétitifs s'incrustant rapidement dans les oreilles (Monuments, The Trial).
Mais, l'anti-conformisme étant de toute façon une des marques de fabrique de la maison Tiersen, notre artiste se plait également à bousculer l'auditeur dans son confort, en s'aventurant du côté du post-rock (The Gutter et sa montée en puissance progressive), mais aussi en expérimentant, le mot n'est pas trop fort, quelques sonorités inattendues : des hurlements de Exit 25 Block 20 aux ambiances planantes "tangerino-floydienne" de Hesitation Wound ou Vanishing Point, Yann Tiersen ne se fixe aucune limite et entraîne l'auditeur dans un voyage insolite parfois dérangeant mais oh combien envoûtant pour celui dont l'esprit reste ouvert.
D'une maturité incroyable, Skyline pose Yann Tiersen non plus en simple compositeur de ritournelles franchouillardes enluminées par quelques instruments non conventionnels dans l'univers de rock, ce qui n'est de toute manière qu'une caricature simpliste de l'analyse de ses premières œuvres, mais bien comme un acteur incontournable du rock international, synthétisant à merveille de nombreuses influences anglo-saxonnes, tout en conservant ce qui fait son originalité depuis ses débuts, à savoir sa capacité à composer et mettre en musique de façon originale des mélodies simples mais efficaces. Incontournable, je vous le (re)dis.