Qu’est-ce qu’ils sont taquins dans le Doom ! Alors que dans n’importe quel autre genre un EP se réduit à une petite chose ne dépassant guère la vingtaine de minutes, on ne compte plus chez tous ces flagellants les exemples de galettes censées représenter ce format et qui au final s’avèrent aussi longue (voire plus) que des albums officiels, la palme revenant bien entendu au défunt Reverend Bizarre dont les efforts de ce genre pouvaient tutoyer les 70 minutes !
Vendu – seulement sous forme digitale via le label Alien 8 Recordings – comme un EP, Urarctica du haut de sa demie-heure bien sonnée, rejoint donc, sans atteindre la taille démesurée de mise chez les Finlandais, ces rondelles à appréhender comme de véritables disques à part entière. Il s’agit aussi du baptème du feu de Ensorcelor, jeune formation québécoise. Son créneau ? Le Sludge Doom épique, que les lignes vocales hurlées arriment également au Black Metal, qu’elle érige par le biais de compositions fleuves.
De fait, Urarctica se structure autour de trois pistes dont seule la seconde arbore une allure plus ramassée, architecture tentaculaire qui offre au groupe le cadre idéal ainsi que le temps nécessaire, pour installer puis tricoter des ambiances étouffantes et lugubres. L’écoute débute par le gigantesque "A Crown Of Smoke On The Brow Of The Earth…", lente montée en puissance cataclysmique, sécrétant un désespoir aussi halluciné qu’hallucinant et qui s’emballe en un final au bord de la rupture et d’une folie cauchermardesque, forteresse sombre contre laquelle viennent se fracasser des guitares polluées au goût de rouille.
"Sleep Forever In The Brine" déboule immédiatement en un remarquable fondu enchaîné. Survolté, c’est un titre de 6 minutes aux décharges plus proches du Black Metal dans l’expression d’une haine apocalyptique que du pur Sludge qui fait office de paserelle avec le quart d’heure durant lequel s’étire "This Even Doom". Après une longue et squelettique introduction toute en atmosphères désenchantées et accords de guitares osseux aux confins du Post Rock, la complainte prend peu à peu son envol ou plutôt sa plongée dans les abîmes de l’indicible, parcours chaotique aux multiples pans qui meurt sur une démentielle cacophonie.
Dommage que Ensorcelor n’ait pas décidé de publier Urarctica sous un autre format car ce galop d’essai, suivi depuis par un premier album longue durée qui l’est guère plus, nommé Crucifuge, mériterait largement une édition officielle et matérielle, bloc indivisible de matière noire grouillante d’une négativité minérale souterraine. Un groupe à suivre de près. De très près même…