Si vous faites partie des fans de White Willow, nul doute que la patience fasse partie de vos qualités premières. Non pas que la musique de ce groupe norvégien soit exaspérante, loin de là. Mais au fil du temps, les productions s'espacent de plus en plus : le groupe peut s'enorgueillir d'avoir produit six albums en seize ans, cinq longues années s'étant écoulées entre "Terminal Twilight" et son prédécesseur, "Signal To Noise".
En dépit de ce train de sénateur, le line-up affiche une certaine stabilité et effectue même un retour aux sources par la présence à la batterie de Mattias Olsson (Änglagard), qui officiait sur "Ex-Tenebris" en 1998 et de sa chanteuse Sylvia Skjellestad que l'on pouvait entendre de "Ex-Tenebris" à "Storm Season" alors qu'elle s'appelait encore Erichsen.
Stabilité également dans le style musical : une sombre mélancolie imprègne le plus souvent les disques de White Willow et "Terminal Twilight" ne déroge pas à la règle. La preuve en est immédiatement donnée par son titre d'ouverture, 'Hawks Circle The Mountain', dont le début fantomatique installe une ambiance de film d'heroic fantasy. Des guitares épaisses viennent muscler une mélodie désenchantée et un peu saccadée, à laquelle claviers et flûte apportent une touche aérienne. Une introduction très efficace suivie par deux ballades atmosphériques, 'Snowswept' flirtant avec la variété FM de qualité et 'Kansas Regrets', très contemplatif, interprété par un invité de marque, Tim Bowness (No Man, Memories Of Machines).
'Red Leaves' est certainement moins consensuel, alternant passages intimistes et mélodies déversant des flots amples et majestueux, rappelant par moment les belles heures de Genesis ou de Yes, mais manquant d'un thème accrocheur et d'un fil conducteur, le morceau donnant parfois l'impression de partir dans tous les sens. 'Floor 67' et 'Natasha Of The Burning Woods' constituent le ventre mou de l'album. Les deux titres égrènent des mélodies aux teintes folkloriques, mélange improbable de Paatos pour le chant (sur le premier titre, le second étant instrumental) et de Iona pour l'ambiance. Rien de rédhibitoire, mais l'ennui pointe son nez, la musique tourne en rond et les alternances de guitares acoustiques, électriques, de flûte et de claviers n'y font rien.
Fort heureusement, 'Searise' est d'une toute autre trempe. Ce mini-épic est un condensé très réussi d'un rock progressif typé seventies, profond, mélodieux, mélancolique, touchant. Comme sur 'Red Leaves', la musique s'amuse à faire le yo-yo entre passages d'un calme serein et mouvements amples, mais avec une fluidité et une grâce bien supérieures. Le titre recèle notamment un superbe intermède instrumental où la flûte se taille la part du lion, soutenue de coups discrets de cymbales et d'une guitare délicate, et qui rappelle King Crimson. Le chant de Sylvia Skjellestad est très agréable, subtil mélange de Björk et de Petronella Nettermalm, une voix de femme-enfant un peu enrouée, désincarnée et comme détachée du monde. Le court instrumental "A Rumour Of Twilight" clôt l'album d'une mélodie spectrale, renvoyant à l'introduction fantomatique du premier titre. La boucle est bouclée.
Si "Terminal Twilight" évoque de nombreuses influences, celles-ci sont toutes suffisamment assimilées pour que White Willow revendique une personnalité qui lui soit propre. La musique, jamais mièvre ni agaçante, capte de bout en bout l'attention même aux moments les moins réussis. Un bel album.