Après avoir tâtonné sur les chemins d'une darkwave pas très convaincante, Lacrimosa s'est trouvé un style original, mélange de hard rock musclé et de musique classique baroque, qu'il a affiné au fil de ses récentes productions. "Echos" reste sur la trajectoire que s'est fixé le groupe et propose à nouveau une musique tout à la fois raffinée, ample et vigoureuse.
L'album franchit même peut-être encore un pas vers le classique avec deux titres entièrement interprétés par l'orchestre symphonique, sans intervention des instruments conventionnels d'un groupe de rock. Ainsi le long titre d'introduction 'Kyrie' est peuplé de moments forts, mélodieux, enlevés, où seuls de magnifiques chœurs font entendre leurs voix. Une atmosphère religieuse et mystique qui ne sera pas forcément du goût des amateurs de rock pur et dur. Si 'Kyrie' ressemble à du Mozart, le thème dramatique et dépouillé de 'Eine Nacht In Ewigkeit' rappelle plutôt Schubert. La sensibilité à fleur de peau de Tilo Wolff transcende ce titre gorgé d'émotion.
A l'opposé du classicisme marqué de ces deux morceaux, 'Apart' est le seul titre de l'album ne recourant pas à l'orchestre. Une chanson lente interprétée par Anne Nurmi d'une voix dépassionnée et presque désincarnée. Plus intéressants, 'Ein Auch Von Menschlichkeit', 'Durch Nacht And Flut', 'Sacrifice' et 'Malina' revisitent chacun à leur manière le désormais traditionnel mélange symphonique / électrique, permettant d'apprécier une nouvelle fois la virtuosité avec laquelle Tilo Wolff arrive à passer d'un univers à l'autre. Qu'il s'agisse d'un titre rock encadré par une intro et une outro classiques, d'une alternance des instruments électriques et des cordes ou d'une fusion des deux, le résultat est toujours brillant et permet de frissonner sur les passages les plus somptueux pour mieux vibrer sur les moments plus énergiques.
L'album se termine sur le splendide 'Die Schreie Sind Verstummt (Requiem Für Drei Gamben Und Klavier)', parfaite synthèse de tout ce qui le précède. Ce requiem pour trois violes de gambe et clavier évolue en visitant différents thèmes musicaux aux transitions ciselées, hanté par le chant habité et dramatique de Tilo Wolff. Le mix orchestre / instruments rock est d'une fluidité confondante. Les chœurs masculins et féminins se succèdent, se mélangent, se superposent en de multiples combinaisons avec les voix d'Anne et de Tilo. Le tout contribue à une ambiance de fin du monde : tout n'est plus que souffrance, désespoir et désolation.
Cet album s'adresse clairement à tous les amateurs de musique classique qui ne dédaignent pas l'univers du rock et à tous les amoureux de rock qui sont sensibles à certaines grandes œuvres classiques. Les exclusifs qui ne souffrent pas de ce mariage de la carpe et du lapin éviteront "Echos" et même Lacrimosa de façon générale. Tant pis pour eux ! Les autres auront la possibilité de découvrir une œuvre aussi noire que sentimentale.