Rien que le nom a de quoi étonner : comment peut-on avoir l'idée farfelue de prendre pour nom de scène un pseudonyme aussi étrange que FreddeGredde ? FreddeGredde à l'état civil s'appelle en fait Fredrik Larsson, suédois d'origine, et tient son nom d'un jeu de mot (suédois) sur le diminutif de son prénom, "FreddeGredde" signifiant littéralement "Freddy La Crème". Si "Thirteen Eight" est le premier album de ce jeune homme de 25 ans, c'est loin d'être un coup d'essai. En effet, Fredrik Larsson s'est fait connaître sur YouTube par ses medleys surprenants de chansons, de génériques TV et de dessins animés, de musiques de jeux vidéo, de thèmes des "Simpsons" et une étonnante et audacieuse reprise de 'Killer Queen' de Queen sur laquelle il remplace à lui seul la bande de Freddie Mercury, assurant le chant principal, le contrechant, les chœurs, la guitare, la basse, les claviers, le djembé, le piccolo et l'accordéon.
Il récidive donc cet exploit en plus grand sur ce premier album, réalisant toutes les parties vocales et instrumentales, à l'exception de la batterie, et ajoutant à son arc la corde de la composition. De son propre aveu, l'album serait constitué de sept titres progressifs, deux ballades et deux titres qu'il n'aime pas (sic), pour arriver à un total de treize titres (re-sic), ce qui prouve que l'on peut être bon en musique et mauvais en maths.
"Thirteen Eight" (qui tient son titre des nombreux passages écrits en 13/8) est-il véritablement un album de rock progressif ? Oui et non. Oui si l'on se réfère à la présence de deux mini epics ('Euphoria' et 'Time Will Tell') situés en fin d'album, ou de titres plus courts comme 'Lonely Starlight', 'Meltdown', '4 am', 'This Falling World' ou 'Beside Me'. La structure évolutive et complexe de ces morceaux ne permet pas de les classer dans la catégorie rock FM. Mais si 'Lonely Starlight', '4 am' ou 'Euphoria' remplissent parfaitement leur contrat, alliant thèmes accrocheurs et transitions ou ruptures utilisées à bon escient, les autres titres, bien qu'ambitieux, sont moins réussis, donnant souvent l'impression d'être une collection d'idées plus ou moins efficaces juxtaposées sans logique. 'Beside Me' en est l'exemple le plus frappant, qui en 4'17" mélange tellement de thèmes et d'instruments qu'il est difficile de se retrouver dans ce patchwork où disparaissent d'excellentes idées à peine ébauchées.
Les six autres titres ont une structure beaucoup plus classique couplet/refrain et s'apparentent à du rock FM de très bonne qualité. Le très beau 'Solace Distant', 'The Star Song', 'The Wayfarer' et 'Stardust', au je ne sais quoi de Pendragon, sont de charmantes ballades, tantôt piano, tantôt guitare, déroulant des mélodies douces-amères qui s'accordent bien au timbre de Fredrik Larsson. Celui-ci a une voix assez haute-perchée, légèrement nasillarde et acidulée, dont la fragilité s'adapte bien à des thèmes nostalgiques, mais qui est nettement moins convaincante dès lors qu'elle s'essaye dans les aigus rageurs. Le manque de puissance et de justesse s'avère alors assez crispant. C'est la regrettable impression que laisse 'Crashing Of Planets', titre fade et popisant, dont les vocaux d'une justesse approximative finissent par être agaçants. A l'opposé, 'Vampire Bride' est l'un des meilleurs titres de l'album, Fredrik Larsson restant dans un registre vocal maitrisé, si ce n'est une note un peu haute à la fin. Il est amusant de constater que ce titre qui est l'un des plus réussis de l'album fait partie de ceux que l'artiste a hésité à faire figurer sur "Thirteen Eight".
Le potentiel artistique de FreddeGredde est évident : une interprétation musicale qui, sans parler de virtuosité, est plus qu'honorable, un sens inné de la mélodie, une touche de fantaisie et de démesure qui font les artistes d'exception. Mais il lui reste à canaliser sa trop grande créativité et savoir respecter les limites de ses capacités vocales pour délivrer l'album abouti qu'il est certainement en mesure de réaliser. Néanmoins, malgré ses défauts de jeunesse, ce premier opus reste très réussi et hautement recommandable.