En cette année 1986, Tears For Fears finit de digérer le colossal succès de leur deuxième album et de ses tubes 'Shout' et autres 'Everybody Wants To Rule The World'. Un soir d'after, c'est par hasard que les deux compères découvrent dans un bar de Kansas City une chanteuse à la voix incroyable, Oleta Adams qui va insuffler au duo une incroyable dose d'émotions et les convaincre de travailler à un prochain album empreint de plus de simplicité et moins de programmations. Trois années de dur labeur auront été nécessaires pour mener ce projet à bien, l'embauche de la divine Oleta se révélant au fil du temps comme indispensable. Et pour remplacer les programmations, Tears For Fears a fait appel à une incroyable brochette de musiciens.
Plus de simplicité dans l'esprit ne signifiant pas une réduction de la qualité des compositions, ce sont de nouveaux deux tubes phénoménaux qui vont très rapidement porter ce troisième album aux nues. C'est tout d'abord l'entêtant 'Sowing The Seeds Of Love', pamphlet à peine voilé contre le thatchérisme une nouvelle fois à l'honneur en Grande Bretagne à cette époque, qui va inonder les ondes européennes et américaines. Refrain imparable, orchestration soignées, pléthore d'instruments, breaks instrumentaux, tout est réuni pour plaire à la fois au plus grand nombre, mais également aux amateurs de musique plus travaillée.
Mais, en introduction de l'album, c'est une autre pépite qui va indiquer la nouvelle direction prise par le groupe. 'Woman In Chains', lente mélopée à la progression maîtrisée, nous donne à découvrir un premier aperçu de l'incroyable talent d'Oleta Adams, formidable vecteur d'émotions pour l'auditeur, le tout souligné par une partition instrumentale extraordinaire de justesse et un Phil Collins au jeu de batterie tout en sobriété.
Passés ces deux hits que nous qualifierons de désormais "habituels" pour le groupe, les autres plages nous emmènent dans un mélange de pop très groove, très soul ('Badman's Song'), aux passages parfois intimistes, pour ne pas dire introspectifs (le superbe 'Standing On The Corner Of The Third World'). Se libérant avec bonheur des contraintes de réalisation de tubes pop formatés, Tears For Fears prend le temps de la mise en place de ses morceaux, n'hésitant pas à y inclure des passages jazzy ('Swords And Knives').
Chaque note, chaque accord sonne avec justesse, comme si rien n'avait été laissé au hasard, le tout sans jamais laisser de côté les émotions qui transpirent par tous les pores de cet album qui s'écoute d'une traite, tel un concept-album. Totale réussite, "The Seeds Of Love" sera, comme souvent dans ces cas-là, le chant du cygne de Tears For Fears. En attendant, ceux qui ont assisté à la tournée qui suivit sa parution en gardent plus de 20 ans après un souvenir inoubliable. A classer sans conteste dans les 10 plus grands albums de pop de tous les temps.