Malgré les deux splits partagés avec Krieg puis Process Of Guilt et un EP éponyme, le tout gravé en 2009, Caïna semblait en fait depuis l'année précédente et Temporary Antennae, sur la route du cimetière, ce que confirme trois ans plus tard Hands That Pluck, à la fois quatrième offrande et testament d'une entité singulière venue d'Angleterre et cultivant à ses débuts un Black Metal assez rude pour ensuite lui greffer des touches Post-Rock étonnantes.
Autant dans la forme (il s'agit d'un double album dont le second disque réunit vieux titres réarrangés et d'autres inédits) que dans le fond (il est une synthèse évidente de toutes les lignes de force qui l'ont sous-tendues depuis 2004), cet opus a été clairement conçu comme un dernier chapitre. De fait, aborder cette double ration musicale réclame beaucoup d'attention car sa diversité, reflet de la trajectroire artistique de Andy Curtis-Brignell, l'homme derrière ce projet, l'entraîne dans de multiples directions qu'une vie entière ne suffirait pas à apprivoiser entièrement.
Ainsi, Hands That Pluck agglomère neuf pistes aussi différentes que complémentaires. Celles-ci peuvent aussi bien épouser les contours d'intermèdes (quasi) instrumentaux ("Hands That Pluck", l'ambient "Haruspication") que les formes ramassées d'un pur glaviot Black Metal ("Profane Inheritors", qui, placé en ouverture, fait démarrer l'album sur une note crue, comme un clin d'oeil aux débuts du groupe), dériver dans un univers cotoneux et aérien ("The Sea Of Grief Has No Shores", lente élévation stratosphérique belle comme un chat qui dort) ou au contraire être déchirées par des coups de boutoir malsains, à l'image du torturé "Murrain" où Imperial (Krieg) vient vomir ces tripes durant 10 minutes aussi magistrales que douloureuses et mourrant sur un final tout bonnment infernal. Mais toutes dégorgent une même mélancolie visqueuse.
Oeuvre bipolaire, Hands That Pluck pourra décevoir sinon surprendre, notamment ceux qui ont découvert Caïna avec Temporary Antennae, donnant l'impression que son auteur y a jeté ses dernières cartouches censées refléter la variété de son inspiration, laquelle culmine lors de l'halluciné "I Knonw Thee Of Old" qui, passé une longue entame atmosphérique déroule un canevas noir et brutal, tandis que de multiples pans le cisaillent tout du long de ses douze viscérales minutes. Mais en signant son disque le plus personnel, Caïna vient aussi de forger celui que l'on considera peut-être comme sa pierre (tombale) angulaire en cela qu'il réussit à capturer son essence profonde tout en étant d'une grande richesse, fort de quelques unes des plus belles compositions jamais enfantées par le britannique ("Murrain", "Ninety-Three"...) dont on regrette déjà la décision funeste bien que désormais incertaine, au moment où vous lirez ces lignes, le Britannique ayant semble-t-il reconcé depuis à saborder son navire...
Enfin, sachez que l'autre rondelle, Old Songs, New Chords EP, peut quant à lui se diviser en deux parties. A une première basée sur la révision de quatre titres issus de Some People Fall ("Some People Die" et Validity"), Mourner et Caïna, la seconde se limite en fait à une poignée de morceaux remastérisés, les deux étant séparées par une reprise étonnante de Nico, "Roses In The Show". En soignant ainsi sa sa mise en bière, Andy Curtis-Brignell ne sait pas moquer de ses admirateurs.