On l’oublie un peu trop souvent mais le Black Metal se doit de déranger, de laisser un goût amer dans la bouche, de fouailler les chairs, de laisser de purulents stigmates dans la peau. Peu y arrivent en définitive. Disiplin, si. Après quelques années de silence, tout d’abord rompues par deux compilations généreuses, le Norvégien dresse à nouveau une érection créatrice plus vigoureuse que jamais.
Faisant suite à un troisième album expulsé de la terre froide seulement en avril dernier, Radikale Randgruppe porte définitivement bien son nom. C’est une œuvre extrêmement radicale dans sa haine et sa brutalité affichées tel un étendard rouge sang. Elle a quelque chose d’un cri de dégoût pour la société telle qu’elle est en train de devenir. Artiste nihiliste et visionnaire, Weltenfeind (seul à bord du panzer depuis l'enregistrement), dresse un Black Metal aux atours martiaux et sévères, aux confins de la musique industrielle voire franchement noise ("The Golden Age", secoué par des discours envenimés).
Dès le bruitiste "Nuclear Catharsis", d’une violence brute rare, inouïe et assourdissante mais belle dans sa laideur néanmoins, le malheureux auditeur est happé dans un tourbillon fielleux d’une négativité malsaine. Radikale Randgruppe est un blockhaus monumental aux arêtes à vif qui s’enfoncent dans un terreau sombre souvent hypnotique ("White Earth", "Me Ne Frego"), alliage froid comme le tranchant d’une lame entre un Black Metal qui grésille de haine et une accroche étouffante et mécanique ("Radikale Randgruppe"). C’est souvent lancinant ("Soldier Of The Black Sun"), parfois plus rapide ("Triarii"), toujours malfaisant et d’une noirceur poisseuse peu commune ("Exile").
Au milieu de ces déflagrations surgit le spectre de la mort qu’incarne le mortifère "Oath Of Bound", plainte instrumentale qui résonne au son d’un piano funèbre. En six minutes, Disiplin y exsude plus de désespoir et le sentiment profond d’inéxorabilité que bien des doloristes du Funeral Doom. De même, l’album meurt sur une très longue plage électronique où treize minutes durant, le Norvégien tisse une toile répétitive, d’un minimalisme aussi absolu qu’admirable que d'aucuns jugeront d'une chiantise insupportable. Tant mieux. Grouillant de sons qui obsèdent, bidouillage ambient ou touches hantées d’un orgue seventies lointain, "The Empire" redonne tout son sens au mot « lenteur » et ferme cette marche militaire sur une note définitive.
Triomphal et d’une vraie démesure dans l’agression sonore, Disiplin se pause comme le guide des temps nouveaux.