Une fois n'est pas coutume, commençons par les choses qui fâchent (un peu) : pourquoi alors qu'il n'a rien enfanté de neuf depuis 2004 et From The Purple Skies (rappelons ainsi que le chatoyant Witchflower n'était en réalité qu'une compilation), Wicked Minds a décidé pour son grand retour aux affaires de se transformer en historien féru d'archéologie quand nous, nous attendions qu'il fasse à nouveau œuvre originale ? Car, en effet, aucun titre parsemant le menu de Visioni Deliri e Illusioni n'a en réalité été écrits par les Italiens, ceux-ci rendant hommage à travers douze relectures à un certain nombre de précurseurs de la scène Rock et progressive transalpine.
Cette mise en garde énoncée, nous pouvons maintenant aborder sereinement cette nouvelle offrande, dont on conseillera l'acquisition de la version double vinyle absolument somptueuse et, peut-être aussi, présenter ce groupe précieux qui semble avoir été cryogénisé au début des années 70 et que personne, lors de son réveil, n'aurait prévenu que, depuis Machine Head, la musique a évolué. Pourtant non, il n'en est rien puisque Wicked Minds est apparu à la fin de la décade suivante, accouchant par la suite de trois albums officiels entre 1999 et 2004. Après avoir proposé une copie des plus savoureuses du Deep Purple de l'âge d'or, quitte à faire montre de peu de personnalité, les Italiens en se nourrissant cette fois-ci de tout un patrimoine oublié et pourtant extrêmement riche, pourraient bien justement enfin affirmer leur identité, situation paradoxale s'il en est venant de la part d'un album de reprises !
Ne connaissant pas les morceaux originaux, nous ne saurons donc prétendre que Wicked Minds honore, transcende ou au contraire massacre sa source d'inspiration. En revanche, nous ne pouvons que constater le plaisir communicatif que ce disque distille avec largesse, le collectif y étalant une généreuse énergie et un talent certain pour capturer cette vibe seventies, véritable Saint Graal d'une époque incapable d'être originale et se repliant sur un passé fantasmé, mais ceci est une autre histoire.
Revisitant aussi bien Le Orme ("Figure Di Cartone") que The Trip ("Caronte"), Delirium ("Dio Del Silenzio") qu'Ossana ("L'Uomo") et recourant à la langue nationale, choix rafraichissant qui confère à l'ensemble une couleur chaleureuse et ensoleillée, Wicked Minds oscille entre pur Hard Rock purplien avec orgue qui dégouline comme à la grande époque de Jon Lord ("Dentro Me", "Farfalle Senz Pois") et soli aussi flamboyants qu'acérés, ceux du maître des lieux Lucio Calegari, visiblement très influencé par l'ombrageux homme en noir (qui ne l'est pas ?) et voyages sur des terres progressives orgasmiques, témoin les jouissifs "Un'Isola/Illusione Da Poco/Clessidria" et "La Prima Glocca Bagna Il Viso" et ce, malgré les lignes de chant de Monica Sardella dont les maladresses s'avèrent au final presque touchantes.
Bref, débordant de feeling, habité par une sincérité qui ne saurait être remise en doute et guidé par l'envie de bien faire tout en se faisant plaisir, le groupe réussit à restaurer toute la brillance d'une époque où tout restait à faire. Inutile de comptabiliser tous les morceaux de bravoure car, de "Un Villaggio, Un'Illusione" (et ses duels guitare/claviers grandioses) à "Caronte I", il y en a tellement, qu'il serait fastidieux de les énumérer tous. Il s'agit d'un très grand disque et tant pis s'il ne s'agit de que relectures. Ces titres étant inconnus pour la plupart d'entre nous, on s'en moque finalement complétement. Les frissons sont là, c'est l'essentiel !