Hasard du calendrier, ce sont deux groupes norvégiens correspondants à la seconde fournée noire (comprendre, qu'ils ont lâchés leurs premiers rôts longue durée alors que les Grands anciens en étaient déjà, des anciens), Taake et Tsjuder qui viennent nous rendre une visite forcément peu amicale, le second après cinq ans de silence, sortie conjointe incitant à la comparaison.
Et alors que Legion Helvete dévoile un Tsjuder plus infernal que jamais, l'ancrant dans une brutalité malsaine en parfaite osmose avec l'évolution actuelle du genre, Noregs Vaapen, quant à lui, témoigne que pour Hoest, avec lequel se confond Taake alors que celui-ci a pourtant tout d'abord commencé sans lui en 1993, reste inchangé, ruminant ce Black Metal à la norvégienne, old school ou true, peu importe, où les atmosphères lugubres l'emportent toujours sur une violence qui en définitive ne fait guère qu'affleurer à la surface. Le tout sonnant très mélodique et accessible, à l'image du solo achevant "Du Ville Ville Vestland". Ce n'est bien entendu pas une critique, seulement un constat.
Pour autant, intemporel et culte au sein du microcosme noir qui voit désormais en lui - à raison - un vétéran, Taake demeure de fait égal à lui-même, comme l'indique la pochette où trône comme toujours l'unique maître des lieux. Il fait du Taake et comme il le fait très bien, les fidèles se prosterneront sans aucune difficulté face à cette cinquième offrande où la brochette d'invités - et amis - prestigieux (Demonaz, Nocturno Culto, Atilla Csihar...) ne doit faire de l'ombre à une écriture incisive et de qualité. Rehaussé d'instruments sinon incongrus (banjo sur "Myr", mandoline...) au moins des plus étonnants (mellotron), Noregs Vaapen marque les esprits dès le titre d'ouverture, "Fra Vadested Til Vaandesmed" lequel, avec son riff granuleux, entêtant, nous ramène quinze en arrière, avant de braquer vers des rivages plus Thrashy avec l'arrivée du chanteur de Darkthrone derrière le micro, puis de s'achever sur un final répétitif qui confine à la transe.
Et comme le non moins réussi "Orkan" lui succède, plus rapide mais lui aussi vrillé par cette guitare obsédante aux allures de scalpel, on se dit que le Norvégien dresse toujours une insolente inspiration. Si la suite ne tutoie pas tout à fait la même sinistre réussite malgré les dix minutes que dure "Dei Vil All tid Klaga Og Kyta", morbide à souhait et capturant, comme finalement seuls les groupes norvégiens savent le faire, cette aura nocturne et brumeuse drapant d'un suaire à l'humidité glacée tout ce qui l'entoure, il n'en demeure pas moins que Taake ne déçoit à aucun moment quand bien même on ne sait pas trop si la présence - certes fugace - de ce banjo qui semble surgir de nulle part, est une bonne ou une mauvaise idée. Mais, sa légende intacte, le solitaire de Bergen s'en fout et n'en fait qu'à sa tête. Nostalgique et parfois maladroit, Noregs Vaapen est un bon cru.