C’est à la fin de l’année 2005, sous ce magnifique soleil de la Côte d’Azur, que notre compatriote Fred choisit son cap; il est temps de dépasser les allers-retours amateurs d’autrefois. Fred reprend pour de bon la pratique de la guitare. Il va frapper à la porte de deux "anciens" compagnons d’armes musicales, Laurent se chargeant de tenir les commandes de la batterie et Pierre-Jean celles de la basse, et il s’attaque sans tarder à la composition, bien décidé à explorer désormais ses propres territoires artistiques, après le carcan des traditionnels exercices de reprises. L’univers de Fred, c’est avant tout celui du Rock, non dans ses retranchements les plus radicaux, mais dans ce qu’il a d’originel : sobriété de l’instrumentation, mécanique narrative simplifiée, parfois syncopée, affection marquée pour les phrasés groovy. L’origine culturelle est également revendiquée; Fred chante en anglais, et c’est sous le patronyme très british de Frozen Yellow Spot que le trio s’attaquera à la scène.
2011, la machine est lancée : premier album, qui se pare d’un intitulé quelque peu rétif aux logiques médiatiques, "Off The Screen". Le constat qui saute assez vite aux oreilles, c’est que pour une création en coup d’envoi, la sonorité s’avère plutôt bien équilibrée: la guitare est à loisir incisive ou chantante, la basse étale généreusement son roulement guttural mais sans jamais étouffer le propos musical, et la batterie se contente de suivre le mouvement, en restant cependant très alerte et très piquante - main humaine et drums machines n’auront jamais les mêmes accents… Bref, chacune des composantes du trio a trouvé sa place. On pourrait regretter un petit manque de justesse dans les registres supérieurs des vocalises, qui en évitant la saturation, sembleraient parfois écrêter et aplatir la tessiture du chant.
Pour autant, une armature sonore bien conçue ne fait pas tout, et il est bien dommage de devoir classer un bon tiers de titres au rang des inspirations en manque d’aboutissement. Lorsque FYS joue la carte du grunge méchant loup, et malgré la technique en la matière qui paraît bien rodée, la résultante émotionnelle a bien du mal à trouver ses prises. Cette même carence est ressentie sur des morceaux comme 'Clap Your Hands', 'Eviction' ou 'Untitled Life', compositions dont structure narrative et arrangements témoignent pourtant d’une maturité très convenable. L’impression est similaire, s’agissant des considérations où l’atonie gagne simultanément le chant et l’instrumentation ('U&I', 'Good Deal') : le décalage anti-mélodique se saborde de lui-même, dès lors qu’il n’a plus de contrepoint pour se justifier. En revanche, "Off The Screen" a déjà beaucoup mieux à dire lorsque sa parole se fait plus contrastée, alliant la complainte et la méditation ('Totem', 'Climbing The Days'), ou les différentes couleurs tonales d’un Rock à la fois rétro et atmosphérique ('Dive Your Fingers In My Mouth', 'Ratna’s Place'). En fait, presque à chaque fois que la guitare soliste s’envole au-dessus du champ de bataille, on a le sentiment que FYS libère son énergie naturelle et découvre sa véritable vocation : écriture et interprétation se rejoignent alors au cœur d’une même conviction.
Au final, un potentiel bouillonnant, qui n’est pas pleinement mis en valeur. Mais si Fred et ses complices se décident à creuser au bon endroit, il se pourrait bien que l’or noir jaillisse à flots.