Qu’est-ce que le rock progressif italien (RPI) ? Cette entité à part a su conserver une vrai originalité au sein des productions prog’. Caractérisé par un coté progressif marqué, n’hésitant pas à mêler les influences néo-classiques avec une rythmique assez dopée tout en utilisant des sons vintage, avec une pointe d’emphase (notamment sur le chant), le RPI a ses fans absolus et ses détracteurs.
De toute évidence, Mad Crayon est à ranger au sein du RPI. Ce groupe au patronyme curieux - MAD pour les initiales des prénoms de ses trois créateurs, et Crayon, parce que pourquoi pas ? - est présent sur les scènes italiennes depuis 1986, mais a sorti à peine trois albums, le dernier datant de douze années.
Et cette parcimonie dans les sorties est ici un synonyme de qualité. “Preda” est un opus extrêmement soigné, visiblement longuement mûri, très bien produit, faisant montre d’une belle variété dans son inspiration. Si le titre d’ouverture apparaît assez complexe et quelque peu décousu, les titres se font de plus en plus accessibles à mesure qu’ l’auditeur progresse dans son écoute. L’utilisation d’une basse virevoltante, d’une batterie légère mais sophistiquée, et de touches de piano permettent d’apporter une petit touche jazzy (‘Preda Pt2’, ‘Xoanon’). En bon disciple du RPI, Mad Crayon ne dédaigne pas les sonorités vintage, à l’image des claviers acidulés type Moog, de l’orgue Hammond ou de la guitare wah-wah qui ont baigné les premières heures, volontiers psychédéliques, du prog. Et avec un titre comme ‘Il Sovrano Dell’Illusione’, Mad Crayon navigue bien dans le progressif épique avec toutes ses intéressantes variations, en terminant le morceau avec un piano très Erik Satie, tout en mélancolie, tout en restant dans un registre plus continu (entendez : moins fragmenté par les breaks) que les premiers morceaux. Les vocaux, assurés en Italien par une voix légèrement fragile, gardent une grande sensibilité.
Eclectique, très attachant, ce “Preda”, très représentatif du RPI actuel, mérite un détour appuyé. Manque juste à notre total bonheur un de ces solos qui clouent l’auditeur, mais c’est presque un détail tant l’écoute de cet opus lumineux est réjouissante.