Le milieu des années 80 a vu le rock progressif renaître de ses cendres encore fumantes, sous l'impulsion de groupes comme Marillion, IQ ou encore Pallas, chantres de cette nouvelle vague appelée (depuis maintenant presque 30 ans !) néo-progressif ! Si le mouvement est né au sein des iles britanniques, son développement s'est accéléré au début des années 90, et notamment aux Pays-Bas où plusieurs labels, dont le météoritique SI Music, ont permis l'émergence de nombreux groupes, de qualité plutôt variable. Sur le haut de cette vague, Egdon Heath eut les honneurs de figurer au tout début de l'aventure SI Music, avec le republication sous la référence SI Simply 002 de son premier album, In The City, sorti initialement en 1987 dans l'indifférence générale, mais auquel la réédition sur un label en vue redonna une nouvelle vie.
Très caractéristique et échappant à pas mal de caricatures du néo-progressif, la musique d'Egdon Heath est portée majoritairement par les claviers d'Eddie Mulder : qu'ils soient planants, symphoniques ou simplement "pianistiques", ils envahissent l'espace sonore, ne laissant que peu de place aux autres instruments, impression renforcée par une production plaçant régulièrement ces derniers à l'arrière-plan. Plutôt accessibles, les compositions d'In The City posent un décor quelque peu inquiétant, impression caractérisée par les voix forcées dans les graves (Secret Fence) et par un jeu de batterie à l'écho prononcé. Les harmonies et les détours mélodiques s'avèrent en revanche un peu moins conventionnels, donnant ainsi un cachet particulier à la musique du groupe, mélange d'agressivité contrôlée et de résolution mélodique aux atours symphoniques. Egdon Heath maîtrise également les codes inhérents à toute réalisation progressive : passages instrumentaux, rythmiques syncopées et montées en puissance sont également de la partie et réjouirons les plus exigeants (Secret Fence ou encore {When All Is Said).
Prémices de titres plus évolués, plus luxuriants, plus progressifs, les plages d'In The City s'écoutent avec plaisir, malgré deux défauts qui nuisent à une appréciation globale plus aboutie : tout d'abord la production qui, avec le temps, finit par avouer son âge et se trouve en profond décalage avec la performance sonore souhaitée par le groupe (phénomène qui n'aura plus court sur les albums suivants), mais aussi le chant, assuré à tour de rôle par Eddie Mulder et Wolf Rappard, qui s'avère la véritable faiblesse de la galette. L'un et l'autre musiciens irréprochables, leur dévouement à la performance vocale montre très rapidement ses limites, desservis là encore par une production les mixant bien trop en retrait.
S'il ne dépare pas dans la courte discographie du groupe, In The City reste finalement l'archétype du premier album : d'excellentes idées, des compositions déjà abouties (si l'on excepte le pénible Losing A Friend), mais que des moyens limitées pénalisent dans le rendu final. Une bonne porte d'entrée néanmoins pour se mettre en bouche avant de découvrir la suite de la discographie.